Histoire du Japon
la sévérité des châtiments, et, de façon générale, le maintien d’une stricte discipline. Même en tenant pleinement compte de la fragilité de tels témoignages (car les voyageurs chinois ne virent pas beaucoup de choses et ne comprirent peut-être pas tout ce qu’ils virent et entendirent), il est significatif que les particularités qui retinrent leur attention sont les mêmes qui, des siècles plus tard, impressionnèrent d’autres visiteurs du Japon, tel l’Anglais Will Adams, qui, en 1611, décrivait les habitants de ce pays comme « très soumis à leurs gouvernants et supérieurs ». Les Japonais ayant, dans toute leur histoire, cru en un gouvernement ferme et un ordre social rigide, il n’est peut-être pas trop extravagant d’en discerner les origines dans leurs anciennes coutumes tribales.
Parmi les autres particularités relevées par les Chinois figurent certains tabous et pratiques rituelles qui suggèrent des règles de type religieux. Mais nulle part il n’est fait allusion à un culte quelconque ; seul le nom de la reine, Pimiko, semble être une déformation phonétique soit de Pimiko, soit de Pimeko, qui, en japonais archaïque, signifiait « Enfant du Soleil » ou « Fille du Soleil ». On vénérait donc une divinité solaire que les chefs tribaux réclamaient pour ancêtre. Ainsi que nous le verrons par la suite, la vénération de la déesse du Soleil est l’un des traits marquants du mythe japonais sur lequel s’appuie la dynastie régnante, de sorte que l’on peut sans grand risque supposer qu’un culte solaire était pratiqué au Japon avant, et peut-être longtemps, l’époque des visiteurs chinois. Mais il est très probable que ce culte ait été réservé aux dirigeants, et il se peut qu’il existât d’autres croyances et pratiques de nature religieuse, plus populaires, variant peut-être d’une tribu à l’autre.
On ne peut toutefois espérer construire un tableau complet de la première société japonaise. L’archéologie ne raconte pas l’histoire entière, et les documents littéraires disponibles, qui incarnent certainement une tradition très valable, ne sont eux-mêmes que des essais de reconstitution dans un but politique précis, qu’il faut par conséquent utiliser avec une grande prudence. On ne peut davantage présumer que les conditions observées par les voyageurs Wei aient été communes à l’ensemble du Kyüshü, et moins encore aux autres régions du Japon. Il est fort probable que le Kyüshü et la partie occidentale de l’île principale étaient peuplées de tribus de diverses origines. Il nous faut tenir compte de l’élément « méridional » de la culture japonaise, et nous pouvons peut-être supposer qu’au sud du Pays de la Reine une partie de la population venait du midi. Il est possible que les guerres mentionnées par les envoyés Wei entrent dans le cadre du processus d’unification, mais elles peuvent aussi être dues à un antagonisme entre groupes ethniques d’origine différente ou simplement entre aborigènes et nouveaux venus. Il se peut ainsi qu’il y ait eu toute une variété de coutumes et de croyances, même si les progrès de la culture chinoise au Japon devaient tendre à réduire les différences entre tribus et à créer une unité tangible. En outre, quoique chaque communauté tribale possédât certainement à l’origine son propre culte et son propre mythe ancestral, tout processus d’unification mené d’une main ferme devait avoir pour effet de favoriser une fusion des cultes.
Cette hypothèse semble confirmée par le contenu des grands tumuli que l’on trouve, sans irrégularité de distribution importante, du Kyüshü au Kinai, et dont le matériel funéraire ne présentent guère de différence selon les endroits. On estime que l’époque de ces tumuli débute au ne siècle et qu’elle atteint son apogée au commencement du ve. Contrairement aux tombes plus anciennes, celles-ci ne contiennent pas d’armes de bronze, mais des armures et des épées de fer. Elles renferment également des objets de bronze, mais surtout des miroirs et des ornements, c’est-à-dire des objets de culte ayant une signification sacrée ou du moins rituelle. Leur présence et la régularité générale de leur distribution suggèrent une unité de culte d’un bout à l’autre de la période, et de même une certaine unité politique, vers 400 et peut-être beaucoup plus tôt.
Il est vrai que cette
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