Histoire du Japon
installer au Yamato un centre de pouvoir et les fondements d’un gouvernement fixe. Rien n’indique la date exacte de ces événements, mais il est difficile d’imaginer qu’ils aient pu avoir lieu avant que les chefs du Kyüshü aient été suffisamment longtemps sous l’influence d’une culture du fer avancée pour être à même d’unir leurs clans et d’équiper des effectifs considérables d’armes de qualité. Cette migration vers l’est pourrait donc s’être déroulée vers 350 de notre ère, ou peut-être une génération plus tôt.
Le récit légendaire décrit le genre de résistance que rencontra l’expédition. La résistance demeura négligeable jusque dans la région centre du Japon ; mais dans la plaine d’Ôsaka, la plaine de Yamato et les collines de Yoshino, les chefs de clan locaux, dépeints comme des bandits, des brigands, des araignées de terre et des « emishi », manifestèrent une opposition acharnée. Le terme d’emishi, qui semble signifier barbare (au sens grec de gens qui baragouinent), est le nom que prirent ensuite les Aïnous, et l’on peut raisonnablement imaginer que ceux qui résistèrent aux hommes de Kyüshü étaient les ancêtres des Aïnu actuels, ou du moins un peuple aïnoïde d’un stade néolithique primaire disséminé à travers la majeure partie du Japon bien avant l’arrivée des émigrants du néolithique plus récent. Ce ne furent pas les seuls habitants] ue le peuple du Yamato dut pacifier ou absorber, car les chroniques de plusieurs règnes après celui de Jimmu Tennô parlent de guerres contre les « Kumaso ». Le douzième empereur (Keikô) aurait conduit une expédition à Kyüshü pour réprimer une rébellion de ces tribus, qui occupaient la partie sud de l’île. Il s’agissait de toute évidence de vaillants guerriers, qui causèrent maints ennuis aux gouvernants du Yamato ; en effet, les chroniques nous apprennent que la cour s’installa au Kyüshü durant plusieurs années, et que trois souverains successifs y résidèrent pour mener contre ces Kumaso des opérations dont le succès ne fut d’ailleurs jamais complet.
On ne peut dire quelle était l’origine de ces gens. On a suggéré qu’ils venaient des mers du Sud, peut-être par Formose et les îles Ryukyü, et que le peuple du Yamato était de la même souche, mais avait l’avantage de la proximité de la Corée ; la population d’Izumo, d’origine chinoise, serait quant à elle venue directement du continent à Izumo. Ces théories sont certes plausibles, mais le fait est que les données nous manquent pour émettre un jugement valable sur les origines et la composition du peuple japonais. Nous savons que, quand la dynastie du Yamato fut fondée (disons vers 300 de notre ère), elle était loin d’exercer son pouvoir sur l’ensemble des îles, et que des campagnes contre les tribus et autres groupes rebelles se poursuivirent pendant cinq siècles encore.
Dans le Nord, il y eut de fréquents combats importants contre les aborigènes jusqu’après l’an 800, et si l’Ouest fut pacifié plus tôt, en 700 encore les
D’après certains savants, les formes parentes « ebisu, emisu, ezo », sont des variantes du mot « aïnu » signifiant « homme ».
historiens officiels jugent nécessaire de forger des documents ou de falsifier les registres pour justifier les droits de la maison régnante originaire de la lointaine île de Kyüshü. En fait, même dans l’étude la plus superficielle de l’histoire japonaise, on est impressionné par l’importance du rôle joué par les dieux et les hommes du Kyüshü. C’est sur le mont Takachiho que descendit Ninigi, le divin souverain du Japon. Ce sont les guerriers de Kyüshü que redoutèrent le plus les futurs dictateurs du Japon féodal. Ce sont les barons de Kyüshü qui menèrent le mouvement d’où sortit la restauration du pouvoir impérial, en 1867, et qui, par la suite, fournirent tant de chefs au pays.
Nous avons recherché aussi loin que possible l’origine des souverains Yamato, et nous nous sommes peut-être par trop appesantis sur l’opposition qu’ils ont rencontrée. Mais même si le processus de fusion ethnique et culturelle fut rapide une fois le pouvoir central installé avec à sa disposition des ressources supérieures, le folklore japonais montre que la mémoire nationale garde le souvenir d’une longue période de désordres. Cela est parfaitement illustré par la légende de Yamate
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