Histoire du Japon
unité était incomplète, comme l’atteste la rupture entre les émigrants qui, du Kyüshü, gagnèrent le Yamato, et ceux qui suivirent la côte nord-ouest de l’île principale pour s’installer à Izumo. Les premières chroniques tentent, sans y parvenir tout à fait, de concilier les cycles légendaires de ces deux groupes ; pourtant, il ne semble pas qu’il y ait eu de différences fondamentales dans la nature de leurs croyances : ils prétendaient seulement descendre de souverains divins différents, ce qui traduit un certain désaccord politique. De façon générale, bien que chaque tribu ait sans doute eu ses divinités ancestrales, elles paraissent avoir partagé un fonds de croyances et de coutumes commun constituant une religion dans sa forme primitive.
Sur ce chapitre, les renseignements donnés par les Wei ne sont guère abondants, mais ils soulignent du moins un point important, à savoir l’observance d’un rituel de propreté consistant en des lustrations et autres pratiques similaires et en l’abstention de ce qui est impur. Mais il vaut la peine de citer ici le texte exact du récit Wei :
« Quand la mort survient, le deuil s’observe pendant plus de dix jours […]. Quand les obsèques sont terminées, tous les membres de toute la famille vont dans l’eau prendre un bain de purification […]. Quand ils s’embarquent pour un voyage en mer, ils choisissent toujours un homme qui ne peigne pas ses cheveux, qui ne chasse pas les mouches, qui laisse ses vêtements devenir sales, qui ne mange pas de viande et qui n’approche pas de femmes. Cet homme se conduit comme s’il était en deuil, et on l’appelle gardien de la fortune. »
On verra que les gens en deuil se baignent pour se débarrasser de la pollution de la mort, tandis que le « gardien de la fortune » prend sur lui les impuretés de la communauté et atteint en même temps une pureté positive en s’abstenant de tout acte polluant. Les allusions à la souillure et à la purification abondent de même dans les plus anciens mythes du Japon.
Nous voyons ici certains traits de la société japonaise primitive dans lesquels nous pouvons déceler l’origine de croyances religieuses et d’idées morales ultérieures. Ils semblent ne pas avoir subi l’influence de la Chine, mais ils doivent sans doute quelque chose à celle de la Corée et de la Mongolie. Au Japon comme ailleurs, les exigences rituelles de pureté sont le point de départ de préceptes éthiques, tant il est vrai qu’il n’y a qu’un pas à franchir entre l’obligation d’avoir un corps propre pour s’adresser aux puissances invisibles et celle d’avoir un esprit pur 3 .
De ces sources, on n’apprend pas grand-chose de plus sur les coutumes des Japonais avant qu’ils ne subissent une très forte influence chinoise, c’est-à-dire avant 400. Les objets de bronze découverts dans les tombes suggèrent une forme de culte, mais les tombes sont celles de rois ou de chefs de clan, et le culte, s’il a existé, n’était peut-être guère plus qu’une expression de pieux respect envers 1 s morts, leur souvenir ou les biens qui symbolisaient leur puissance. Ces éléments n’éclairent pas forcément les croyances du peuple. Nous ne pouvons imaginer celles-ci que par analogie avec d’autres cultures, et par déduction de ce que nous savons des époques plus tardives.
Il y a pourtant une chose dont nous pouvons être certains : la situation des plus importants établissements. Celles-ci étaient presque sans exception situées dans des plaines alluviales de basse altitude, et il est clair que la vie se fondait sur l’agriculture sédentaire. Une carte des centres gouvernementaux connus après la fondation de l’État du Yamato montre que, bien que certains tabous voulussent que le palais du souverain changeât de lieu à la fin de chaque règne, les nouvelles capitales se situaient toutes dans un périmètre restreint de terres favorables à la culture du riz par irrigation 4 .
Nous ne pouvons donc nous tromper lourdement en supposant que ces coutumes étaient d’un genre commun à la plupart des peuples agricoles sédentarisés, dont le culte concernait essentiellement la fécondité et la conservation des récoltes, et, partant, l’offrande propitiatoire aux puissances naturelles. Une telle supposition est amplement étayée par l’étude des croyances et pratiques indigènes qui ont survécu à l’introduction de fortes idées
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