Histoire du Japon
extérieures. Le seul fait qu’elles aient subsisté semble prouver qu’elles étaient anciennes, fortes et profondément enracinées, de sorte qu’une description de la société japonaise primitive reposant en partie sur la déduction de conditions ultérieures devrait être valable sinon dans le détail, du moins dans ses grands traits, comme guide de l’histoire des idées et des institutions.
L’emploi du mot « shintô » (« la voie des dieux ») pour décrire les premières croyances japonaises peut prêter à confusion dans la mesure où il suggère une religion organisée. Parler d’une voie des dieux présuppose une doctrine positive et un panthéon bien défini. Mais les objets de la dévotion populaire n’étaient pas ces abstractions quelque peu politiques figurant les divinités ancestrales de la classe dirigeante. C’était ces influences plus humbles, mais non moins puissantes, qui déterminent le sort des hommes dans une société agricole, du cultivateur et de sa famille autant que du seigneur territorial. C’était les forces de la nature dans leur incarnation divine de dieux de la montagne et de la vallée, du champ et du torrent, du feu et de l’eau, de la pluie ou du vent.
Ces traits de culture païenne n’ont rien d’exceptionnel. On les trouve dans la plupart des sociétés au même stade de croissance, alors que le mythe ancestral des souverains, bien qu’il ne soit pas sans équivalents autre part, semble porteur de certaines idées politiques qui sont propres au Japon, et mérite de ce fait une attention particulière. Mais avant d’étudier la chronique de l’âge des Dieux, qui est un prélude au récit légendaire de la fondation de l’empire, mieux vaut examiner le culte populaire, car il nous donne accès aux premières idées japonaises sur la vie et la société, sur la vie familiale et sur la vie tribale, sur les rapports de l’homme et du monde qui l’entoure. Il paraît présenter les premiers éléments de l’esprit national, car, contrairement à de grandes religions comme le bouddhisme ou le christianisme, ce n’est pas quelque chose qui ajoute ou contribue à la vie nationale, mais plutôt une expression des sentiments les plus intimes et essentiels du peuple japonais. Dans ce sens, il ressemble aux cultes païens de la Grèce et de Rome dans leur phase primitive. Il ne s’agit pas d’une religion dont les principes sont manifestement le fruit d’événements historiques. Il ne s’agit pas du produit d’une révolution d’idées. Contrairement au bouddhisme, au christianisme ou à l’islam, il n’a pas de fondateur ni de livres inspirés, pas de maîtres, de martyrs ni de saints.
(il garde la trace de la distribution des parcelles « handen » telle qu’elle se présentait au VIe siècle, et il est vraisemblable que la topographie de cette zone limitée ait été propice au système emprunté à la Chine, qui exigeait une division symétrique du terrain en rectangles. Il se peut même que ce soit pour de telles raisons que les Japonais s’obstinèrent si longtemps à appliquer ce système artificiel, qui ne lut jamais vraiment une réussite même dans son pays d’origine, et qui, à la longue, échoua lamentablement au Japon.)
Il peut se décrire comme une espèce de culte de la nature, fondé sur le sentiment que toute chose est vivante et participe à sa façon de l’existence sensible. Ainsi, les manifestations de la nature sont perçues et interprétées comme abritant une forme de présence divine, et vénérées en conséquence. Le mot « kami », que les langues occidentales traduisent généralement par « dieu » ou par « esprit », a été et reste la cause de maints malentendus touchant la pensée japonaise. En réalité, ce mot a le sens général de « supérieur » ou « plus élevé », et une chose ou une personne est dite kami si elle possède une qualité ou une puissance supérieures. Dans les pays polynésiens, la même idée est exprimée par le terme « mana » qui représente une influence ou un pouvoir particuliers possédés par certaines personnes, certains objets ou certains lieux, et qui dépasse leur qualité de tous les jours. Une idée similaire apparaît dans les croyances romaines, où cette qualité spéciale est appelée « numen ». Ce qui est doté de mana, ou numen, devient kami en japonais. C’est le cas des grands ancêtres et des grands héros. C’est le cas de certaines
Weitere Kostenlose Bücher