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Histoire du Japon

Titel: Histoire du Japon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Sansom
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jupe-culotte avait la nuance du raisin, très sombre, et elle était brodée de branches de glycine, plus grandes que nature. La couleur et l’éclat de son sous-vêtement écarlate était magnifique, et dessous, il portait encore l’un sur l’autre d’autres vêtements, blancs et mauve pâle. […] Il ressemblait en vérité à l’un de ces personnages que représentent les peintres ou que célèbrent les romanciers. »
    Dans le journal de Murasaki (document passionnant sur sa vie et ses opinions) se trouve un passage bien connu sur la couleur. A la cour, une dame d’honneur se présenta dans une toilette somptueuse, mais qui, au poignet, où dépassait le bord des manches de ses multiples sous-vêtements, accusait une légère faute de goût dans le choix des couleurs. Cette faute fut relevée par les nobles présents, et troubla fort l’amie de Murasaki, la dame Saisho, qui déclara pourtant : « Ce n’était pas vraiment terrible – une seule couleur était un peu trop pâle. » C’est là, je crois, le résumé même du goût japonais, et pas uniquement en matière de couleurs.
    Jusque dans les histoires d’amour, il semble que le vêtement joue un rôle essentiel, et chez l’homme aussi bien que chez la femme. Sei rappelle ou imagine une scène où un amant qu’elle n’attend pas apparaît à côté de son lit, alors que l’aube revêt encore le paysage d’une brume épaisse. Elle ne parle pas de son visage, mais note qu’il porte un pantalon violet, une veste de chasse gorge-de-pigeon si pâle qu’on remarque à peine qu’elle est teinte, et une tunique non doublée de soie blanche empesée par-dessus un manteau d’un rouge éclatant.
    A côté de ce qu’elles nous apprennent du goût des Japonais en fait de couleurs et de formes, les œuvres d’auteurs femmes comme Murasaki et Sei Shônagon éclairent l’histoire linguistique du pays. L’heureuse invention d’une écriture syllabique se prêtant parfaitement à la notation du japonais oral permit à ces dames de talent d’écrire leurs chefs-d’œuvre dans leur propre langue, et d’échapper ainsi à la domination des classiques chinois, qui faillit empêcher le développement d’un style proprement indigène. Les débuts d’une littérature purement japonaise datent du Manyöshü et des liturgies shintoïstes, dont la transcription maladroite a néanmoins gardé un peu de leur accent original. On peut ainsi faire remonter les premiers écrits japonais aux environs de l’an 800, ce qui est fort tôt comparé à l’apparition d’une véritable littérature française ou anglaise. En France, la poésie vernaculaire ne commença à concurrencer le latin qu’avec Ronsard et les poètes de la Pléiade, dont certains continuaient à se servir exclusivement du grec ou du latin. Même le Paradis perdu fut peut-être écrit en latin, et sur le continent, ce n’est pas comme maître de l’anglais mais comme auteur latin qu’on connaissait Milton. Le latin était bien sûr la langue internationale de l’Europe, et sa culture en bénéficia largement. Quant au grec, son étude restait très importante du fait que c’était la langue des premiers textes chrétiens. Ce n’est qu’après l’édition grecque publiée par Érasme en 1516 que le Nouveau Testament fut traduit en anglais.
    Le parallèle est sans doute quelque peu forcé, la situation de l’Orient n’étant pas vraiment comparable à celle de l’Occident, et le besoin d’une version japonaise des textes bouddhiques n’ayant pas hâté le développement d’une littérature indigène. Mais même si l’on place ses débuts à l’époque du Taketori monogatari et de la préface de Tsurayuki au Kokinshû, soit aux alentours de 900, l’écart reste supérieur à cinq cents ans. Tout bien considéré, il est remarquable que le prestige des classiques chinois aient moins contribué que les œuvres grecques et latines à retarder l’apparition d’une littérature indigène, ou, pour formuler la chose en d’autres termes, qu’une langue aussi peu évoluée que le japonais ait résisté aussi efficacement à la colossale puissance du chinois. Il est certain que des génies comme Sei Shônagon et Murasaki, dont la passion de s’exprimer ne saurait être mise en doute, y contribuèrent largement.
    Mais une autre question se pose : celle de savoir si, en fait, le chinois aurait jamais pu refléter le tempérament japonais. On imagine mal l’esprit japonais

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