Histoire du Japon
politique chinoise.
En général, l’influence chinoise paraît avoir été très forte au cours de la première partie du vine siècle, quoique ce fût une époque où le bouddhisme avait atteint une position de choix. Les Japonais n’eurent guère de mal à concilier des idées apparemment contradictoires grâce à une ingénieuse méthode de sélection. La décennie 732-741, où maints tremblements de terre, tempêtes, inondations et sécheresses détruisirent biens et récoltes et où le pays connut la famine et la peste, offre un exemple intéressant de cette habitude. En 721, l’empereur avait publié un édit où il reconnaissait de tels désastres comme un châtiment de son propre manque de vertu, une manifestation du déplaisir du Ciel devant son mauvais gouvernement. C’était une attitude typique de la doctrine chinoise, et qui ne cadrait pas très bien avec le culte indigène.
Lorsque, en 732, le pays fut une nouvelle fois en proie au malheur, un autre édit fut publié où l’empereur déclarait que le peuple n’était pas coupable, mais que lui-même n’était pas assez vertueux. Il ordonna que des prières soient dites dans chaque sanctuaire (shintoïste) provincial, dédiées aux « Dieux du Ciel et de la Terre, aux montagnes renommées et aux grandes rivières ». Des prières bouddhiques furent ordonnées parallèlement. A cette occasion, comme durant les mauvaises années qui suivirent, le peuple reçut quelque soulagement sous forme de dons, de prêts, de remise d’impôts et d’amnistie pénale. C’était là aussi un acte de Gouvernement Vertueux en accord avec les principes chinois, qui voulaient que le souverain se montrât bienveillant et secourable envers son peuple dans la détresse. L’influence des idées politiques chinoises est ici très marquée. Mais il est intéressant de voir que, en 741, quand une très bonne récolte eut apaisé l’inquiétude du gouvernement, on l’interpréta comme une réponse à la prière. Cette même année, on ordonna que fussent construits dans chaque province un monastère bouddhique de vingt moines, un couvent de dix nonnes et une pagode de sept étages, sans doute parce qu’on sentait que les prières locales s’étaient révélées efficaces, peut-être même plus efficaces que la déclaration impériale. Peu après, de riches présents, parmi lesquels des copies de textes bouddhiques, furent offerts au sanctuaire de Hachiman, dieu shintoïste des Batailles.
Ce mélange de doctrine bouddhique et confucéenne, combiné à une foi persistante dans les dieux indigènes, est caractéristique de cette époque, mais on retrouve en fait ce même esprit de tolérance ou de compromis tout au long de l’histoire religieuse du Japon. Une religion comme le bouddhisme permet, il est vrai, des compromis qui sont incompatibles avec une foi monothéiste.
Il est douteux que le vocabulaire moral utilisé dans les édits mentionnés plus haut doive quoi que ce soit à l’influence directe de la Chine. Il semble plutôt traduire une phase de l’évolution des idées éthiques à partir des anciennes notions de pureté rituelle. On y trouve une répétition constante d’épithètes comme « propre », « pur » et « lumineux » pour qualifier les bonnes pensées et les bonnes actions, et cette simplicité de description pourrait bien venir du bouddhisme plutôt que du sentiment confucéen. Mais lorsqu’on étudie les influences venues de l’étranger à cette période, on aurait tort d’imaginer qu’il y eut conflit entre les savoirs religieux et laïcs importés de Chine. Il n’y avait en fait aucune contradiction entre les deux philosophies, ou du moins aucune contradiction qui obligeât les Japonais à faire un choix. Il leur fallait assimiler tout un monde d’idées neuves, et il n’était pas dans leur rôle d’opérer une discrimination rigoureuse alors que, d’une certaine façon, ils étaient encore à l’école.
Puissance du culte indigène
A certains égards, l’introduction d’idées et de méthodes étrangères contribua à renforcer plutôt qu’à affaiblir la tradition originelle, car l’emploi de l’écriture chinoise permit aux Japonais de raconter leur propre histoire et d’exprimer littérairement leurs idées ancestrales sur la vie et la société. C’est le savoir chinois et le penchant chinois pour l’histoire qui leur donnèrent la possibilité et le désir de composer les deux grandes chroniques
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