Histoire du Japon
d’un législateur divin ou si sa source est inconnue et à jamais inconnaissable.
La formule de Hooker me paraît résumer la différence fondamentale entre les conceptions de la vie occidentale et extrême-orientale.
Theories de la souverainete
L’une des difficultés concernant l’histoire primitive du Japon consiste à définir dans quelle mesure les idées japonaises sur la souveraineté sont redevables à la théorie politique chinoise. A propos du Japon, on ne peut guère parler de théorie politique, car l’ascendance divine dont se réclamait la maison impériale faisait partie du culte indigène et venait de pratiques tri-baies. Sur ce point, les seuls témoignages dont nous disposions sont fournis par les deux chroniques nationales, qui, comme nous l’avons vu, ont été écrites sur le modèle des ouvrages historiques chinois, de sorte qu’on ne peut prétendre ni de l’une ni de l’autre (surtout pas du Nihon-shoki) qu’elle décrit fidèlement les institutions indigènes.
Il existe toutefois certains documents du vue et du vine siècle qui semblent indiquer que c’est à l’exemple de ce qui se passait en Chine qu’on prêta au souverain du Japon une origine divine ainsi qu’un pouvoir absolu. Le premier édit d’après la réforme de 646 informe les gouverneurs provinciaux que, désormais, toutes les provinces seront gouvernées conformément aux commandements des dieux célestes, et ne fait allusion à l’empereur qu’en tant que souverain du peuple. Mais quand, peu après, des représentants du Kokuryö et du Paekche se rendirent au Japon, le message qui leur fut délivré parlait de l’empereur comme du « souverain céleste », qui, à titre de dieu, régnait sur la « terre sous le ciel ». Les caractères utilisés pour « souverain céleste » et « terre sous le ciel » sont ceux qu’on aurait employés en Chine, et il semble évident que le secrétaire qui rédigea l’édit – probablement un lettré chinois ou coréen –, décrivant un pays aussi limité que le Yamato comme de même étendue que le ciel, s’est inspiré de la terminologie sinon des idées chinoises sur la souveraineté. Dans les édits suivants, au cours du vin e siècle, la même formule est employée, toujours avec l’accent sur la nature quasi divine de l’empereur, qui est un « dieu manifeste », une divinité visible remplissant sa tâche de maître de la terre à la suite légitime de ses divins prédécesseurs, eux-mêmes descendants de la déesse du Soleil.
Il convient ici d’examiner brièvement certains autres aspects de la souveraineté tels qu’ils apf araissent à travers les édits qui suivirent la réforme de Taika. Il se trouve pe r exemple un édit, prononcé en 697 lorsque l’empereur Mommu succéda au trône, où celui-ci déclare que c’est sa divine intention que d’apporter paix et ordre au pays et de chérir et apaiser le peuple. Dans un autre édit (de 708), l’impératrice Gemmyô utilise un langage similaire, disant que le désir des souverains a toujours été de chérir et d’aimer leur peuple comme les parents élèvent et nourrissent leurs enfants. Dans les deux cas, les nobles et les fonctionnaires sont enjoints d’œuvrer avec des « cœurs lumineux, purs et sincères ». Il s’agit ici d’idées morales simples qui viennent d’une forme primitive de gouvernement par vénération, mais sont appliquées dans un contexte politique « moderne ». Elles portent la trace de l’influence chinoise, bien que celle-ci soit peu marquée. Toutefois, les édits suivants trahissent un changement notoire. Le préambule se fait plus court, il n’y a plus ou plus guère d’allusions aux aspects divins de la souveraineté, mais l’accent est mis sur les lois, et en particulier les lois de succession fixées par les empereurs précédents ; et bientôt, la chose devient la pratique coutumière. On décèle ici la recherche d’une base juridique à la royauté, et il semble qu’on puisse l’attribuer à l’influence chinoise. Les édits ultérieurs renferment des points de texte qui tendent à confirmer cette impression, notamment un édit de 724 qui mentionne des présages favorables pour justifier la succession au trône, une description du souverain comme un « sage » en 729, et en 743 une référence au rituel et à la musique comme indispensables au gouvernement serein du royaume. Ce sont là des reconnaissances directes de la philosophie
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