Histoire du Japon
nationales d’où nous vient ce que nous savons des premières coutumes japonaises. Bien qu’écrits sous l’influence des canons de la Chine et renfermant de nombreux artifices et anachronismes, le Kojiki et le Nihon-shoki, respectivement achevés en 710 et 720, sont de remarquables monuments littéraires qui s’appliquent non pas à détruire mais à perpétuer une ancienne tradition. Par la beauté et par la majesté, ils ne peuvent certes pas rivaliser avec des livres saints comme la Bible ou comme les Védas, ni avec des poèmes épiques comme le Ramayana et le Mahabharata, mais ils n’en appartiennent pas moins aux grandes œuvres nationales.
De même, l’introduction du bouddhisme et du confucianisme joua pour l’ancien culte le rôle de stimulant, et persuada ses adeptes de considérer ce qui avait été jusque-là un corps anonyme de pratiques religieuses comme un système comparable à ceux des deux grandes fois organisées. Ce n’est qu’à partir du moment où ils connurent le « Butsudô », la Voie des Bouddhas, que les Japonais se mirent à parler du « Shinto », la Voie des Dieux ; et si l’on étudie la littérature du vue et du v T ie siècle, pn découvre qu’elle comprend, outre les deux chroniques, d’abondantes descriptions des coutumes religieuses indigènes, qui sont de précieuses sources pour l’histoire des idées en Extrême-Orient.
On ne peut ici en faire une étude détaillée, mais il vaut la peine de jeter un coup d’œil aux édits dont nous avons déjà cité certains passages pour voir la persistance de la légende de l’origine divine de la dynastie régnante. C’est parce que l’écriture chinoise permet de les restituer telles qu’elles se formulaient en japonais que nous avons une certaine connaissance exacte d’opinions très anciennes concernant la nature de la souveraineté et les devoirs des souverains. En dépit de leur vêtement chinois, il est clair qu’elles ne sont pas fabriquées mais représentent, aussi imparfaitement que ce soit, une tradition orale très ancienne qui, n’eût-elle été mise par écrit, aurait pu être submergée sous la pression de la pensée chinoise.
Il existe en outre des recueils d’anciennes liturgies qui éclairent les croyances entretenues et les rites pratiqués par le peuple japonais avant l’introduction d’idées religieuses et philosophiques étrangères. Elles aussi sont transcrites en écriture chinoise, mais elles se fondent très certainement sur une tradition fiable remontant à plusieurs générations. Comme c’est généralement le cas lorsqu’on passe de l’oral à l’écrit, les lettrés qui les ont rapportées leur ont sans doute donné un vernis littéraire, mais nous pouvons presque être sûrs qu’ils ont conservé les idées et la langue du vie siècle, sinon d’une époque nettement plus reculée, sous une forme transmise par les ritualistes des grandes familles sacerdotales, les Nakatomi et les Imibe, qui avaient pour mission de suivre les précédents les plus anciens – les Nakatomi en prononçant les mots, les Imibe en fournissant les instruments et en préparant les offrandes.
Sont importants parmi ces documents ceux qui perpétuent le langage de la Prière pour la Moisson et du service de la Grande Purification, car ces liturgies portent l’empreinte des plus vieilles idées religieuses du peuple japonais, et paraissent remonter à un stade primitif de vie tribale. Comme son nom l’indique, la première est imprégnée du puissant souci de la production vivrière, et révèle l’importance que la classe dirigeante accordait à l’agriculture relativement à l’État. La seconde exprime la valeur profonde donnée à la propreté rituelle. Elle insiste sur la nécessité d’éviter les actions entraînant la souillure, en premier lieu du corps, mais implicitement aussi de l’esprit.
La Prière pour la Moisson avait lieu dans la capitale, aux environs de l’équinoxe de printemps. A l’origine, les cérémonies se déroulaient dans le palais du souverain ou à proximité, mais après la mise en place d’appareils administratifs centraux, en 702, les ritualistes récitèrent la prière dans la cour du département du Culte, en présence des ministres d’État, des fonctionnaires dudit département et d’un grand nombre de prêtres et de prêtresses des sanctuaires dédiés aux dieux auxquels la prière était adressée. A la même époque, les gouverneurs
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