Histoire du Japon
incapable de surmonter.
On a beaucoup parlé de la ferveur religieuse et de la richesse artistique de la période durant laquelle la cour demeura à Nara, et l’on pourrait difficilement donner trop d’importance aux réalisations des moines lettrés, au fructueux travail des praticiens de tous les arts, au soudain épanouissement d’une culture opulente et variée, durant les décennies si pleines des années 710-790. Un pareil foisonnement, un développement du goût et du talent aussi proche du miracle, ont rarement été dépassés ou même égalés dans un autre pays.
Mais par comparaison à ces brillants succès, l’histoire économique de cette même période est curieusement mélancolique. La principale tâche des réformateurs, une fois installés dans une capitale permanente, fut de veiller à l’application de ce qui, dans les codes de Taihô, traitait du revenu foncier, car c’est du contrôle effectif de l’économie exclusivement agricole du pays que dépendait le nouveau système de gouvernement. Le pouvoir des grands clans ne pouvait pas être brisé à moins que leur domination sur la terre et la population de leurs anciens domaines ne leur soit enlevée de fait, et pas seulement en théorie. Le nouveau système foncier et fiscal visait à généraliser la propriété en distribuant des parcelles. Son but était d’allouer une juste part de terrain, assortie d’une véritable garantie de jouissance, au cultivateur ordinaire et à sa famille, et le partage devait se faire sur la base d’une quantité déterminée de terre à riz par bouche à nourrir, selon une échelle tenant compte du sexe, de l’âge et du statut, une différence étant observée entre hommes libres et esclaves ou serfs. Cette répartition devait être revue tous les cinq ans, où un recensement permettrait d’apporter les changements nécessaires en fonction de l’augmentation ou de la diminution du nombre des membres de la famille.
Nara nanae Shichidô garan Yaezakura
La surface de terre à riz allouée par famille était de deux tan par mâle
de plus de cinq ans, les femmes n’ayant droit qu’aux deux tiers de cette superficie. Ainsi, une maisonnée de trois hommes et trois femmes avait droit à dix tan, soit environ un hectare et demi. Les parcelles n’étaient pas nécessairement ni même généralement d’un seul tenant, ni de taille égale. La moyenne était peut-être d’un demi-hectare, mais les plus petites pouvaient être dix fois moindres. Les esclaves avaient droit, selon leur sexe, aux deux tiers de la surface allouée aux hommes ou aux femmes libres. Les détenteurs d’une parcelle étaient soumis à un impôt, calculé d’après le rendement moyen de l’ensemble, qu’on peut considérer comme un revenu foncier. On payait en outre une taxe de production sur les autres produits que le riz, et enfin un impôt en travail. Ce dernier ne touchait que les hommes et n’avait rien à voir avec l’occupation du sol. La taxe de production était payable en produits locaux – soie, poisson, bois, etc. – et calculée en fonction de l’âge et des possibilités physiques du contribuable. L’impôt en travail se payait en services, qui pouvaient être convertis en espèces selon un barème déterminé.
L’impôt foncier n’était pas excessif, le taux moyen étant d’environ cinq gerbes de riz par demi-hectare, ou pas plus de cinq pour cent de la récolte une année normale. La taxe de production était assez lourde, mais ce qu’on redoutait le plus, c’était l’impôt en travail, la corvée, surtout lorsqu’il prenait la forme de service militaire, car il arrivait qu’il prive la famille de vigoureux jeunes gens pendant deux ou trois ans. La tentation d’éviter ces deux contributions était par conséquent très forte, et la ruine du système s’explique partiellement par la rigueur de la corvée, cause de fraudes de toutes sortes.
La charge fiscale, y compris la participation au service militaire et aux travaux publics, était s’lourde que les paysans manquaient parfois de quoi semer. Ils étaient aloi s contraints d’emprunter sur la future récolte à des taux d’intérêt ruineux. Ce système, connu sous le nom de « suiko », provoqua des dettes et des fuites de plus en plus nombreuses. Le gouvernement prit certaines mesures palliatives en avançant du riz à un taux d’intérêt réduit, mais celui-ci n’en oscillait pas moins entre 30 et 50 %, alors que les taux
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