Histoire du Japon
mis en culture. Sur le plan agricole dans son ensemble, et en ce qui concerne l’augmentation de la capacité globale de production, ils obtinrent des succès remarquables. Cependant, ce résultat ne fut atteint – et ne pouvait l’être – qu’en excluant du système parcellaire les nouveaux terrains cultivés. En effet, personne n’aurait fait l’effort et les frais de les défricher s’il avait fallu les remettre à l’État, en sorte que, pour encourager les colons, le gouvernement décréta que les terres qu’ils mettraient en culture seraient propriété privée pendant une génération, période qu’il étendit ensuite à deux puis trois générations, et plus tard même dans certains cas à la perpétuité.
Le gouvernement semble avoir été incapable d’adopter une politique durable concernant l’ouverture des nouveaux territoires. Ses grands officiers avaient conscience que les trop lourdes charges imposées aux cultivateurs étaient responsables de la stagnation de l’agriculture, mais les allégements qu’ils y apportèrent n’aboutirent à aucune amélioration fondamentale. Les prêts de riz à semer (déjà mentionnés) et la création de « greniers de charité » (« gisô »), deux mesures prises pour empêcher les paysans de quitter la terre, échouèrent à cause de la mauvaise gestion et des actes illégaux des propriétaires régionaux. Le décret de 722 visait à pallier les méfaits de la propriété privée par une entreprise nationale. Mais l’année suivante, le soin de défricher les nouvelles terres passa à des particuliers, avec promesse qu’ils en seraient propriétaires pour trois générations. En même temps, la tendance à réclamer et à défendre la propriété immédiate et héréditaire se manifestait partout de plus en plus fort, et, en 743, lorsqu’il octroya à titre permanent des terres nouvellement ouvertes, le gouvernement ne faisait de toute évidence que reconnaître une situation qu’il ne pouvait pas empêcher.
Pour un grand propriétaire ou un établissement religieux, il était tentant d’accaparer les terres aussitôt propres à la culture, et, en 711 et 713, des ordonnances interdisent l’appropriation des « konden » (terres à riz défrichées) par les nobles et les monastères. Par ailleurs, le gouvernement affirma son droit de décider seul quelles terres devaient être défrichées, et par qui. Cependant, en 749, à l’occasion de la consécration du Grand Bouddha de Nara, le pieux empereur Shômu décréta que des konden seraient accordées aux divers établissements bouddhiques du pays, et, dans un édit suivant, il fixa l’étendue des terres que pourraient défricher les grands monastères de Nara et les temples provinciaux officiels qui avaient été fondés en l’an 741. Le Tôdaiji, qui était alors le principal établissement bouddhique de l’empire, obtint la plus belle part, quelque 6000 hectares, et liberté fut laissée aux gouvernements locaux de chacune des provinces de décider quelles terres devaient être occupées en vertu de cet octroi.
Il n’était pas dans l’intention de la loi que les nouvelles terres soient en permanence exemptées d’impôts. En principe, là où le défrichement était autorisé par les autorités locales, les impôts réguliers entraient en vigueur aussitôt que la terre donnait son plein rendement. Mais une importante exception fut faite en faveur de l’Église bouddhique, car bien que les impôts fussent dûment collectés par les fonctionnaires chargés de cette tâche, on les remettait ensuite au monastère concerné. Cette exception restreinte devint bientôt une exemption presque totale, et il en résulta de tels profits que les monastères et autres institutions religieuses possédant en province de vastes domaines se mirent à installer sur place leurs propres représentants et à traiter avec le gouvernement de l’endroit. Il semble qu’alors les officiers locaux aient remis aux agents de l’Église le soin d’encaisser eux-mêmes les impôts, et l’exemption fiscale finit ainsi par être reconnue officiellement. Avant longtemps, les détenteurs laïcs de terres défrichées réclamèrent le même privilège. Toutefois, ces exemptions n’eurent pas pour unique résultat une perte de revenu pour l’État, car elles permirent à leurs bénéficiaires de réduire le taux des impôts afin d’attirer des paysans de l’extérieur ; ceux-ci virent leur avantage à
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