Histoire du Japon
nouveau. Il était implicite dans la politique de Hideyoshi, qui, par sa chasse à l’épée, avait fixé la différence entre le paysan et le soldat ; mais sous le régime des Tokugawa, la différence entre les classes, quoiqu’elle ne fût pas rigide dès le départ, était parfaitement définie à l’époque de Iemytsu, le troisième shôgun. Elle était considérée comme héréditaire et inaltérable.
Les quatre classes étaient, en ordre hiérarchique décroissant, les soldats, les paysans, les artisans et les commerçants. Les soldats représentaient moins du dixième – probablement pas plus d’un vingtième – de la population totale, et les paysans environ huit dixièmes. Dans une société guerrière comme le Japon du Moyen Age, il était naturel que le peuple ait été divisé entre guerriers et producteurs ; mais cette division remontait plus loin, aux codes de Yôrô et Taihô du vine siècle, qui avaient adopté une classification sociale chinoise de nature similaire. Un sens puissant du rang et du statut social est un trait marquant du peuple japonais tout au long de son histoire.
Il y avait des degrés au sein de chaque classe, en sorte qu’un certain mouvement social était possible ; mais la division entre classes n’était pas facilement oubliée. La classe militaire comprenait tous les membres des familles porteuses d’armes, des grands seigneurs guerriers aux plus pauvres samurai.
Comme on l’a vu, au-dessous de la classe militaire venaient les paysans, dont la classe comprenait les travailleurs agricoles pauvres aussi bien que les riches paysans. Durant la période de paix qui suivit la chute d’Osaka, le paysan était assuré de la jouissance de son bien, mais sa vie était dure et il était victime de l’oppression de son seigneur terrien. Une remarque attribuée au tairô Doi Toshikatsu, le deuxième grand propriétaire foncier après le shôgun, exprime de façon sinistre l’attitude de la classe dirigeante. En 1640, on dit qu’il visita ses terres après une absence de dix ans, et que, voyant que les villageois avaient remplacé les masures dont il se souvenait par de solides maisons, il s’exclama : « Ces gens sont trop à l’aise ; il faut augmenter leurs impôts. »
Comme l’économie du Japon médiéval était agricole, le paysan était l’élément le plus nombreux de la population et, pourrait-on dire, le plus important. Il est certain que l’histoire japonaise ne peut être comprise sans une certaine connaissance du rôle joué par les grandes communautés rurales dont les travailleurs de la terre étaient les membres principaux.
La tendance générale de la politique de la classe militaire était de garder le paysan sur la terre et de l’empêcher de quitter les champs particuliers qu’il cultivait. La première législation Tokugawa n’était pas sévère, et elle attestait un certain souci de protéger les paysans contre les seigneurs tyranniques. Un ordre publié par les magistrats d’Edo en 1603 stipule qu’un paysan est autorisé à quitter sa terre si l’intendant d’un domaine Tokugawa ou le seigneur d’un domaine privé se rend coupable de conduite « excessive ». Dans ce cas, avant de partir, le paysan doit s’arranger pour payer les impôts qu’il doit. Ensuite, il peut aller où il le désire. Une deuxième clause du même ordre interdit tout recours à la violence contre les paysans et précise que les disputes fiscales doivent être soumises au jugement d’un magistrat.
Il est clair que la façon de traiter les paysans tendait à devenir plus sévère, même si certains propriétaires employaient la persuasion plutôt que la force. La politique adoptée par le bakufu était modérée. En 1643, un ordre fut publié qui contenait cette clause intéressante : « Si la punition infligée par un intendant ou un daikan [représentant] est injuste ou insupportable, les paysans peuvent partir aussitôt leurs impôts acquittés, et ils peuvent résider dans un village voisin, où ils doivent être libres de toute interférence de la part de ces officiers. » Il est toutefois évident que, à cette époque, les ordres du bakufu n’empêchaient pas certains propriétaires de maltraiter les paysans. Parmi ces derniers, les fuites se multipliaient, et en 1642, par exemple, on trouve une loi (hôrei) du daimyô d’Okayama qui rend les groupes des cinq ( gonin-gumi 216 ) responsables de ces fuites, et oblige le village à cultiver
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