Histoire du Japon
nombreux, mais constituaient une source de troubles évidente dans les villes, où ils vivaient en quête de querelles, « ivres d’insolence et de vin ». Mais on trouvait à côté d’eux des rônin érudits comme ôgyù Sorai et des poètes comme Matsuo Bashô, chefs de mouvements philosophiques ou littéraires à la fin du xvii 224 siècle.
LES CITADINS
Les rônin n’étaient pas les seuls à créer des problèmes au gouvernement. Après la bataille de Sekigahara, il y eut un grand intervalle de paix – interrompu, c’est vrai, par le siège d’ösaka –, un demi-siècle correspondant au règne de Ieyasu. Sous Hidetada et Iemitsu, soit entre 1601 et 1651, le gouvernement se consacra d’abord au perfectionnement de l’administration civile. Cette tâche impliquait une certaine diminution des privilèges dont la classe militaire avait joui au détriment de la société civile.
Au cours de cette période, l’économie de tout le pays se développa rapidement, car à part la région des hostilités, il se consacra tout entier à l’amélioration du commerce et de l’industrie à des fins civiles plutôt que militaires. Comme on l’a vu, le commerce intérieur et extérieur prospéra grâce aux encouragements de Ieyasu, et un grand accroissement de richesses résulta de l’exploitation toujours plus importante des mines et de la fabrication d’objets de consommation de paix.
Cette activité nouvelle entraîna, entre autres conséquences, un déplacement de la population des campagnes vers les villes, surtout sur le littoral oriental, car les résidences choisies par le shôgun, c’est-à-dire Sumpu puis Edo, remplacèrent Kyoto, l’ancienne capitale, comme centres du pouvoir militaire et politique. Une fois mis en place le système de présence alternée (sankin kôtai), les vassaux de toutes les régions du Japon construisirent des maisons à Edo et y amenèrent des revenus considérables. Ils dépensaient annuellement de grandes sommes et donnaient du travail à maints ouvriers, commerçants et artisans. Le nombre des habitants de la ville augmenta ainsi rapidement, tandis que son caractère changeait en même temps que la vie devenait plus variée, et, dans l’ensemble, plus attrayante, surtout pour ceux qui voulaient éviter un travail pénible et un style de vie morne.
Beaucoup de ceux-ci s’installèrent à Edo après 1615, et au milieu du siècle la population de la ville compta un nombre considérable de bons à rien, vivant à la frange de la société respectable et subsistant grâce à des occupations douteuses. Il s’agissait des « kabukimono », terme voisin d’« excentriques », ainsi nommés du fait que leur comportement était inhabituel et frappant*. Certains d’entre eux étaient des militaires de bon niveau qui, faute d’emploi, cherchaient l’excitation des bagarres de rue et du vol.
Des précurseurs des kabukimono attirèrent l’attention du bakufu dès 1612, soit avant le siège d’ösaka, quand des chûgen, membres de la classe des domestiques, assassinèrent un haut fonctionnaire pour venger le meurtre d’un page. Après enquête, on découvrit qu’il y avait dans la ville des bandes de ces chùgen, groupés à des fins illicites. Pour s’en débarrasser, le bakufu installa des barrières dans les rues, et au cours d’une battue, des centaines d’entre eux furent pris et tués. Ces bandes s’étaient constituées sous la direction de meneurs portant des noms comme « Arashi no Suke » (capitaine Tempête), et leurs membres avaient juré de se protéger en toutes circonstances, même contre leurs parents ou leurs maîtres. Ils disaient professer des principes de morale supérieurs à ceux de leurs aînés, et ils étaient de fait loyaux envers leurs camarades.
Le bakufu se montra d’abord disposé à ne pas les traiter comme des criminels, et leurs intentions n’étaient sans doute pas tout à fait mauvaises ; mais ils voulaient attirer l’attention, et, dans ce but, ils recouraient à des extrêmes, défiant l’autorité du gouvernement par des vols avec violence et des combats de rues meurtriers. Le gouvernement fut ainsi contraint de prendre des mesures draconiennes. En 1628, des gardes furent placés à tous les coins de rue, et nombre d’entre eux furent ainsi pris et arrêtés, certains pour être mis à mort. Mais les désordres continuèrent. Une satire circulant à Edo vers 1645 parle de deux hatamoto de haut rang (10000 et 3000
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