Histoire du Japon
faibles – au profit des classes inférieures.
L’une des premières causes de mécontentement des hatamoto était la chute du pouvoir d’achat de leurs revenus, qui, comme on l’a vu, étaient dans bien des cas un traitement fixe calculé sur la base du produit d’une terre. Souvent, ils n’avaient plus ni terres à cultiver ni obligations à remplir. Un épisode intéressant de l’année 1651 met en lumière les conditions de vie d’un samurai vivant d’un revenu fixe. Un daimyô nommé Matsudaira Sadamasa, détenteur d’un fief dans le Mikawa, le rendit ainsi que tous ses biens au bakufu, avec un mémoire demandant à ce que toutes ses possessions soient distribuées aux hatamoto indigents, et que le shôgun leur verse également de l’argent pris sur sa cassette. Lui-même se rasa la tête et descendit dans les rues d’Edo avec une sébile. Le bakufu le traita comme un fou, prit son fief et le donna à son frère aîné. Ce n’est que quelques semaines plus tard qu’eut lieu la révolte de Yui Shôsetsu.
Entre 1660 et 1670 environ, le gouvernement veilla à ce que pratiquement toutes les terres détenues ou cultivées par les hatamoto et les go-kenin des provinces voisines d’Edo soient incorporées dans les domaines directs des Tokugawa. Leurs occupants devinrent alors pensionnés, et la plupart d’entre eux s’installèrent à Edo. Vers la fin du siècle, près des neuf dixièmes du nombre total des hatamoto et des go-kenin vivaient de pensions en riz provenant des greniers du bakufu. Certains d’entre eux trouvèrent comme fonctionnaires des emplois bien rémunérés, mais les débouchés existants n’étaient de loin pas suffisants pour absorber la foule de ceux qui en étaient maintenant réduits à vivre d’une petite pension fixe.
Le grand incendie de meireki
Les premières années de la minorité de Ietsuna furent attristées par un grand désastre dans la capitale du shôgun. En 1657, un incendie qui dura trois jours détruisit plus de la moitié de la ville et fit, estime-t-on, 100000 victimes. Le feu prix le dix-huitième jour de la nouvelle année, dans le quartier de Hongo. Un vent du nord-ouest soufflait alors avec la force d’un ouragan, et les flammes se propagèrent à une vitesse hallucinante de rue en rue, consumant les maisons de bois (après une année de sécheresse) de Kanda, au sud de Kyôbashi, à l’est de Fukugawa, sans donner aucun signe d’accalmie. Le soir du deuxième jour, le vent tourna et repoussa les flammes des faubourgs orientaux de la ville en direction du centre. Atteignant Kôjimachi, elles détruisirent toutes les maisons des partisans et domestiques des daimyô installés dans le voisinage du château du shôgun, auquel elles s’attaquèrent. Une partie des défenses extérieures fut détruite, mais le donjon, quoique endommagé, résista. Les demeures des grands daimyô qui se trouvaient dans le voisinage du château furent complètement brûlées. Le vent tomba et le feu s’éteignit à la fin du troisième jour, mais la fumée était si dense et les ruines si omniprésentes qu’il fut quelque temps difficile de se déplacer dans la ville. Le vingt-quatrième jour du mois, il fut toutefois possible d’enlever de nombreux cadavres et de les transporter par bateau jusqu’à un endroit de la Sumida situé au-delà du pont de Ryôgoku, dans le faubourg de Honjô. De vastes fosses avaient été creusées, et l’on y enfouit les cadavres cependant que des moines des diverses sectes récitaient des messes pour l’âme des défunts. Un temple commémoratif fut ensuite construit sur les lieux. On lui donna le nom d’Ekô-in, ou Salle de prière pour les morts, et cet édifice vulgaire et criard, aujourd’hui disparu, abritait il y a quelque temps encore des matchs de lutte.
La ville fut reconstruite, avec des rues plus larges et sur un meilleur plan, sous la direction de fonctionnaires du bakufu. Il fallut deux ans pour achever les travaux. A des fins pratiques, le bakufu accorda des soins tout particuliers à la partie de la ville où se trouvait le centre du commerce de gros. On renvoya les daimyô chez eux, et le palais et le château du shôgun furent les derniers bâtiments importants à être terminés. En 1659, le shôgun s’installa dans un grand déploiement de cérémonies. Entre-temps, le gouvernement avait été très attentif aux besoins de la population. Il s’occupa promptement, et avec générosité, de
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