Histoire du Japon
développement et de l’attitude des autorités à l’égard des rônin en tant que classe donne de précieuses indications quant à la nature du gouvernement à la fin du règne de Iemitsu.
LA CONSPIRATION DES RÔNIN
Yui Shösetsu et Marubashi Chûya, les chefs de la conspiration, étaient des hommes remarquables. Yui était d’humble origine, mais ses parents l’avaient envoyé dans une école de village, où il avait montré des talents remarquables. Il se lia d’amitié avec certains rônin vivant dans les parages, et, à travers eux, il apprit beaucoup du récent passé. Mu par un esprit ambitieux, il décida qu’il s’élèverait comme l’avait fait Hideyoshi, garçon pauvre qui était devenu le maître du Japon. Marubashi était un samurai de bonne famille, moyennement doué mais d’une force physique remarquable, et brûlant du désir de venger la mort de son père, qui avait été capturé et exécuté par des soldats lors du siège du château d’Osaka.
Chacun de ces hommes était à sa façon un produit typique de l’époque et faisait partie des épaves laissées par la marée descendante de la guerre au début du XVII e siècle. Tous étaient des hommes de partis contrecarrés par le destin ; ne devant allégeance à aucun supérieur féodal, ils étaient à la fois sans emploi et sans émoluments. Beaucoup d’hommes se trouvant dans cette situation, en quête d’un moyen d’existence, cherchaient à faire usage de leur seul capital en enseignant l’art militaire. A première vue, il peut paraître surprenant que, si tôt après de longues années de massacre, on eût besoin d’un tel enseignement. Mais comme la plupart des adultes de la caste guerrière n’avait pas d’autre occupation et que les édits du shôgun exigeaient d’eux qu’ils cultivent les arts de la guerre en même temps que ceux de la paix, il fallait bien des maîtres d’expérience. Dans la majorité des villes, il y avait des écoles florissantes où les élèves apprenaient la pratique des armes et les principes de la tactique et de la stratégie.
Ces établissements réunissaient évidemment des hommes d’action et ils devinrent des centres où échanger des opinions en matière politique. Certaines de ces écoles – qu’on pourrait appeler des académies – comptaient des centaines de disciples ou élèves, et elles constituaient des lieux privilégiés où faire part de ses plaintes et parler des affaires courantes. On y trouvait des représentants de tous les échelons de la classe guerrière, des petits daimyô au rang le plus bas des samurai et même aux chefs de bandes d’ashi-garu (fantassins). Leur nombre augmenta tandis que le bakufu prenait des mesures contre la subversion en donnant l’ordre aux feudataires d’expulser de leurs fiefs les hommes qui n’étaient pas à leur service. Ces dispositions (qu’on trouve dans le Buke sho-hatto) concernaient les rônin et elles devaient naturellement accroître le nombre des hommes sans maître rassemblés dans les villes.
Yui Shôsetsu et Marubashi Chùya trouvèrent tous les deux un emploi d’instructeur. Avec sa force exceptionnelle, Chûya se mit à enseigner le maniement de la hallebarde, et Shôsetsu entra dans une florissante académie où ses talents lui valurent bientôt la confiance de son maître, qu’il ne tarda pas à assassiner pour prendre sa place.
Shôsetsu ouvrit même une ferronnerie-armurerie, où il eut pour clients des samurai bien placés, ce qui multiplia ses relations avec des personnes d’importance à la fois en ville et à la campagne. Son établissement attirait bien sûr de nombreux rônin et autres mécontents. Chûya se trouvait parmi eux, et Shôsetsu le prit comme associé. Savoir à quel moment Shôsetsu se mit à comploter un soulèvement et à recruter des partisans n’est pas tout à fait clair, mais ce fut sous Iemitsu et sans doute après 1645. Son plan consistait à attendre une nuit de vent, et, par une explosion de poudre dans le magasin du gouvernement, à déclencher un incendie qui permettrait d’attaquer le château d’Edo et d’assassiner dans la confusion les hauts fonctionnaires. La même chose devait être faite à Kyoto, Osaka et autres villes.
Ce coup d’État audacieux et désespéré aurait pu réussir sans les obstacles imprévus dont sont victimes la plupart des conspirations. Il devait avoir lieu très tôt après la mort de Iemitsu, en juin 1651, mais un retard se produisit du
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