Histoire du Japon
le röjü en fonction, le soumit à un interrogatoire serré. Harada et Shibata furent à nouveau questionnés, et, alors que les déclarations de Shibata furent acceptées, Harada fit mauvaise impression. Il s’en alla découragé.
Vers la fin du mois, Harada, Aki et leurs compagnons furent convoqués chez Itakura tôt le matin. A midi, on leur dit qu’un interrogatoire aurait lieu chez le tairô. Ils furent interrogés séparément par le röjü et par le metsuke. Harada constata que ses réponses ne concordaient pas avec celles de Muneshige et des autres, ce qui le mit hors de lui. Selon une version de l’affaire, après son interrogatoire, Harada attendait dans une antichambre lorsque Aki s’approcha pour l’insulter. Les sabres sortirent du fourreau. Au cours d’un combat forcené, Harada tua Aki puis fut lui-même tué par les hommes qui surgirent alors de la pièce à côté. Shibata mourut après avoir été blessé.
Harada semble avoir frappé le premier. Le délit était d’autant plus grave qu’il avait eu lieu dans la maison d’un haut fonctionnaire du bakufu. Un procès eut aussitôt lieu, portant non sur la question de succession mais sur le meurtre d’Aki par Harada. Le verdict fut sévère. La famille Harada fut détruite, et celle de Munekatsu punie. L’autorité de Tsunamura fut confirmée. Les quatre fils et les deux petits-fils de Harada furent exécutés à Sendai durant l’été 1671, et ses deux petites-filles furent châtiées. Aucune mesure ne fut prise à l’encontre de la famille d’Aki, considéré comme un parangon de loyauté – opinion que beaucoup de ses contemporains ne partageaient pas.
Telle est la version habituelle de l’affaire Date, fondée sur des chroniques généralement valables ; mais certains historiens modernes refusent d’admettre Aki comme le héros et Harada comme le méchant. La question n’offre d’ailleurs pas grand intérêt, car l’existence d’un grave désaccord à l’intérieur du clan est attestée, de même que le fait qu’une solution fut trouvée grâce à l’intervention du bakufu. C’est dans la version théâtrale du Date sôdô (trouble) que les rôles de héros et de méchant sont le plus clairement distribués, et la pièce intitulée Meiboku Sendai hagi fut le plus grand succès de son espèce au XVIIIe siècle. C’est un phénomène intéressant de l’histoire du théâtre japonais que, sur une quarantaine de pièces écrites par le grand dramaturge Chikamatsu Monzaemon (1653-1724), plus de trente ont pour thème les querelles de succession des grands fiefs. On les appelle on-ie kyôgen (pièces de famille noble 226 ).
Le matériel ne manquait pas, car les luttes successorales comme celle de la famille Date étaient courantes dans tout le pays, les plus connues étant celles des grands fiefs de Kuroda, Kaga et Nabeshima. Quoiqu’elles revêtissent souvent la forme d’une révolte due au mécontentement de vassaux, on peut y voir l’expression non d’un sentiment déloyal d’insubordination, mais d’un désir sincère d’amélioration et de réforme dans l’administration des fiefs. La tendance naturelle allait à la concentration du pouvoir entre les mains du daimyô, et à l’élimination des faiblesses dues à une grande diversité de droits et de fonctions au sein de ses domaines. Une telle politique concernait étroitement les intérêts acquis, comme ceux des arrière-vassaux, souverains quasi indépendants de vastes terres, et, appliquée sans précautions, elle pouvait porter préjudice aux petits cultivateurs et au paysannat. Mais le processus était inévitable, car la réforme administrative était dans l’air, et le bien même de l’économie exigeait une certaine unité dans le contrôle des ressources matérielles du fief. La concurrence en matière de commerce et d’industrie remplaçait peu à peu les rivalités exprimées sur le champ de bataille.
L’affaire Date est également intéressante en ce sens qu’elle illustre la nature des relations entre le bakufu et les grands daimyô. Les censeurs, qui pouvaient aussi agir en qualité de médiateurs, tenaient le gouvernement d’Edo informé de ce qui se passait dans les fiefs. Il est difficile de dire si la dispute aurait pu être réglée plus rapidement. Rien ne prouve directement que Tadakiyo se laissa acheter par Sendai, mais comme les autorités du bakufu étaient parfaitement conscientes du problème en 1660 déjà, elles auraient
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