Histoire du Japon
sincérité de Razan, arguant que son école de pensée s’enorgueillissait de son savoir mais montrait peu de zèle à poursuivre la Voie – c’est-à-dire à mettre en pratique les règles de conduite qu’elle proclamait. Pour lui, Hayashi était un perroquet, répétant les paroles du maître sans suivre son enseignement moral.
Parmi cette bande de philosophes quelque peu irrascibles, Tôju est le personnage le plus sympathique. Servant dans un petit fief de l’Iyo, il accomplissait son devoir militaire de jour et consacrait ses nuits à l’étude secrète des Quatre Livres confucéens. Il avait vingt-deux ans lorsqu’il commença de s’en prendre à l’école de Hayashi. Il resta dans son fief quelques années encore, puis, irrité par l’attitude peu amicale de ses collègues, il retourna sans permission dans son lieu de naissance, sur les rives du lac Biwa, vivre avec sa vieille mère dans des conditions misérables. Poursuivant ses études confucianistes, il en arriva à un point où il abandonna la position de Zhu Xi et se tourna vers l’école rivale de Wang Yangming (connu au Japon sous le nom d’O Yômei), qui prospéra de 1472 à 1529. Par comparaison au confucianisme officiel objectif et réaliste de Razan, l’enseignement de Wang était subjectif et idéaliste.
A l’âge de trente-trois ans, Tôju écrivit un dialogue intitulé Okina mondô exposant ses vues dans un langage simple. Son argument central était que (contrairement aux postulats de Zhu Xi, qui exigent l’opération d’un principe et d’une force) dans tout homme existe un sens moral intérieur, et que c’est de cette connaissance intuitive que résulte l’action juste. Réduite à des termes simples, c’est une philosophie d’actes, non de paroles. Antiscolastique et directe, elle était susceptible de plaire aux membres les plus sérieux de la classe militaire, et la vie de Toju lui-même était l’expression de sa nature altruiste. Il était chéri des pauvres au milieu desquels il vivait, et on le connaissait loin à la ronde sous le nom d’Omi Seijin, le Sage d’Omi.
Yamazaki Ansai était un autre critique important de la famille Hayashi. Né à Kyoto, il entra dans les ordres dans le Tosa, où il étudia dans un monastère zen. Dans cette province, plusieurs fonctionnaires s’intéressaient au système de Zhu Xi, et Ansai, en ayant appris quelque chose grâce à eux, décida de quitter l’Église pour devenir philosophe. Il retourna à Kyoto en 1648 et lança une violente attaque contre le bouddhisme. Il décrivit la famille Hayashi comme incapable de mettre en pratique la doctrine de Zhu Xi qu’elle prêchait, parlait de Razan comme d’une bête de somme confucianiste, et se mit à faire lui-même des conférences sur le confucianisme.
Il y avait bien d’autres personnages intéressants parmi les confucianistes de l’époque. Nous reviendrons à quelques-uns d’entre eux plus tard, dans un contexte légèrement différent, mais pour l’instant, il nous faut revenir à la question de l’influence du néoconfucianisme sur le gouvernement. Nous en trouvons un témoin intéressant dans les décrets publiés par le bakufu sous les trois premiers shôgun entre 1615 et 1650 environ.
Le premier document fondamental est celui qui renferme les Règles des maisons militaires ( Buke sho-hatto). Il fut publié en 1615, et son premier article dit : « L’étude de la littérature et la pratique des arts militaires doivent être poursuivies côte à côte. » La version révisée de 1635 ne présente pas de changement marqué dans cet article ni les suivants, mais on peut dire que dans les deux versions se trouve une légère touche de confucianisme dans certaines clauses touchant la conduite juste. Il est vrai que le Shoshi sho-hatto, document du même type et de la même époque (1635) adressé aux samurai de tous les rangs (shoshi) e t plus particulièrement aux hatamoto et aux go-kenin, commence par une clause recommandant la loyauté, la piété filiale et la bienséance, qui sont des termes confucianistes. Mais ils étaient déjà d’usage courant, et il n’y a pas de raison de les croire dus à un nouvel enseignement quelconque. Il n’y avait là rien de neuf. Certaines Lois domestiques des grandes familles contiennent un article insistant sur le savoir aussi bien que sur les exercices militaires – par exemple le Shingen kahô et le Chôsokabe hyakkajô.
Après la chute d’Osaka, alors que
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