Histoire du Japon
l’avenir de la paix était assuré, il était naturel que ceux qui se trouvaient confrontés aux problèmes nouveaux du gouvernement se demandent que faire de la classe guerrière. Le besoin le plus urgent était de fournir à ses membres une occupation autre que la pratique des armes, et la chose la plus évidente était de les encourager à étudier de façon à pouvoir exercer une nouvelle profession. L’étude d’autres décrets ne révèle aucune influence confucianiste directe, sauf si l’on considère que les édits réglant la vie des monastères sont de quelque manière liés à l’animosité des confucianistes envers les bouddhistes. Il nous faut donc conclure que le néoconfucianisme de Zhu Xi tel que l’exposait la famille Hayashi n’influença guère la législation entre 1600 et 1650 ou même après. Mais il commença néanmoins à influencer la vie intellectuelle du pays, et il servit en outre à stabiliser l’ordre social de façon remarquable en fournissant des principes moraux adaptés au maintien d’un État autoritaire.
Le système féodal japonais avait fini par atteindre sa maturité sous le gouvernement de Ieyasu, après des siècles d’épreuves durant lesquels le pays avait connu des guerres presque continuelles et l’effondrement des anciennes institutions. Maintenant, un besoin urgent de paix était ressenti, non seulement par le shôgun et le gouvernement, mais par la majorité des barons qu’il avait inféodés et qui espéraient pouvoir développer leurs domaines sans entendre d’appels aux armes. La raison dictait que le système sur lequel présidait Ieyasu fût étayé, et sa permanence assurée, par une forme de sanction morale. Pour ce, le bouddhisme n’avait plus au Japon assez d’autorité, et le shintoïsme était dans une position de faiblesse. On ressentait donc le besoin d’adopter ou d’imaginer un système de pensée, des principes éthiques, qui justifient le gouvernement absolu du pays par un suzerain suprême et une structure sociale où une petite classe militaire privilégiée jouissait de droits déniés au reste de la population. Il pourrait sembler difficile de trouver une école de philosophie sur laquelle s’appuyer pour défendre une division aussi injuste, mais en pratique la chose fut facile. Il y avait à portée de la main le système confucianiste en général, et le système de Zhu Xi en particulier. Il ne restait plus qu’à mettre l’accent sur un choix de principes.
On a déjà noté que l’importance accordée à la loyauté est l’un des traits centraux de la philosophie de Zhu Xi. Dans son application pratique, la théorie des cinq relations humaines peut se prêter à la justification des obligations essentielles de tous les membres de la société féodale. On peut y voir la base éthique de la hiérarchie sociale déjà existante sous une forme lâche, notamment l’échelle des classes allant du gouvernant au commerçant en passant par le samurai, le paysan et l’artisan. Peu de place est accordée à la question des droits, mais sinon, on a là les éléments d’une morale séculière, certes étroite, mais complète dans son envergure.
Savoir si l’offre des maîtres confucianistes répondait à une demande est difficile à dire ; mais dans l’ensemble il semble que le déclin du bouddhisme donna un élan naturel aux études confucianistes au Japon et multiplia par là même le nombre des lettrés susceptibles de servir à Edo ou dans les domaines baronniaux. Que l’étude du confucianisme ne répondît à aucune demande particulière de la part des dirigeants politiques d’Edo ressort clairement du fait que, durant la première moitié du XVIIe siècle, le principal centre d’études confucianistes ne se trouvait pas à Edo, qui était encore une ville nouvelle, mais à Kyoto, foyer de savoir depuis l’antiquité. Le zèle avec lequel Razan et ses successeurs propagèrent la doctrine de Zhu Xi augmenta néanmoins bientôt le nombre des lettrés à Edo, en sorte que, à la fin du siècle, le collège des Hayashi était le quartier général du confucianisme officiel.
Quoique les confucianistes d’Edo pussent fournir une caution intellectuelle à la politique des Tokugawa, il n’est pas besoin de penser qu’un travail de rationalisation ou, pourrait-on dire, de justification fut délibérément entrepris à des fins politiques. L’adoption officielle de la philosophie était la conséquence normale des
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