Histoire du Japon
compétents.
Lorsqu’on essaye d’avoir une vue d’ensemble de la poussée du confucianisme dans le Japon du XVIIe siècle, on se trouve confronte a deux intéressantes questions de cause et d’effet. D’abord, comment se fait-il que, à une époque où le Japon avait besoin d’un nouveau système de gouvernement, un nouveau système de pensée eût été prêt pour sa rationalisation ? Deuxièmement, par quel phénomène l’époque de l’adoption d’un tel système coïncida-t-elle avec une phase d’intense activité intellectuelle parmi ceux qui, au Japon, étudiaient la religion et la philosophie ?
A la réflexion, les réponses sont simples. Il est clair que l’on doit chercher une explication qui ne présuppose pas une soudaine conversion des lettrés au confucianisme. Ce serait dénier une évolution naturelle à l’érudition japonaise, et imaginer que les étudiants prirent brusquement conscience d’une nouvelle doctrine ; mais l’on sait que, bien avant son adoption officielle, le néoconfucianisme avait été étudié au Japon pour ses propres mérites. On se souvient que Fujiwara Seika, inspirateur de l’école officielle de Hayashi Razan, fut lui-même étudiant dans un monastère zen. Il naquit quarante ans avant Sekigahara. Quant à la seconde question, on peut y répondre facilement, car il fallait s’attendre à ce que, une fois la perspective de paix devenue évidente, l’esprit des hommes, et notamment des jeunes, se tourne en général vers des idées de moralité publique et privée, et en particulier vers leur futur emploi. Il était naturel que cette effervescence débute dès que Ieyasu devint shôgun et se mit à façonner un nouveau gouvernement.
Il est difficile de traiter de façon schématique du développement des principes moraux néo-confucianistes au Japon en tant que distincts des institutions, car trop d’éléments entrent en jeu. D’abord, on est tenté d’attribuer tous les changements à la puissance de la doctrine elle-même, alors que d’autres influences importantes se trouvaient à l’œuvre. Il y avait, par exemple, des vestiges du code guerrier d’obéissance et de sacrifice remontant à l’époque des Minamoto ; mais l’erreur la plus commune est peut-être de considérer que l’essor du confucianisme répondit au déclin du bouddhisme. Il est vrai que le bouddhisme avait perdu de son autorité spirituelle, mais il continuait à jouer un rôle important. Il était responsable de la tenue des registres, des enterrements et des services commémoratifs pour les morts ; dans leurs dernières années, bien des gens abandonnaient en outre Confucius pour le Bouddha. Les grands monastères continuaient d’être des foyers de savoir, et une nouvelle secte zen (Obaku) arriva de Chine en 1655. De plus, malgré l’édit de 1631 interdisant la construction de nouveaux monastères, temples et sanctuaires, le nombre total des bâtiments bouddhiques augmenta, en partie à cause du développement de nouvelles sectes, et en partie à cause de la croissance des villes et des villages. Ces bâtiments étaient généralement petits, mais on en voyait surgir dans tout le pays. On peut donc dire que, sous Ieyasu, le bouddhisme regagna un peu du terrain qu’il avait perdu sous Nobunaga et Hideyoshi.
Le confucianisme était sévère et juste, mais il ne pouvait pas offrir les consolations d’une religion, quoiqu’il adoptât certaines pratiques de caractère religieux. C’était le cas des cérémonies, saisonnières ou annuelles, où l’on adorait Confucius dans des temples construits à cette fin, non seulement à Edo mais dans les capitales des grands domaines féodaux 229 . Ainsi, le neuvième fils de Ieyasu, Yoshinao, seigneur de l’Owari, engagea plusieurs lettrés confucéens et fit construire une salle (seidô) pour le culte de Confucius dans son château de Nagoya. En 1632, il fit don à Ueno d’un bâtiment semblable, construit comme annexe à l’école Hayashi. Il servait à des fins rituelles. A ce propos, il faut dire que les membres de la famille Tokugawa en général, et notamment Mitsukuni de Mito et Hoshina d’Aizu aussi bien que Yoshinao, jouèrent un rôle prépondérant dans la promotion du culte de Confucius. A Mito, le réfugié Ming Zhu Shunshui présida les cérémonies de l’année 1672.
Ces cérémonies en l’honneur de Confucius – qu’on peut tout aussi bien appeler culte de Confucius – étaient concentrées à Ueno,
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