Histoire du Japon
et elles s’y déroulèrent régulièrement jusqu’en 1690, où, sur l’ordre de Tsunayoshi, cinquième shôgun, une grande salle (taiseiden) fut construite sur une éminence de Kanda baptisée mont Shôhei. (Shôhei était la lecture sino-japonaise du nom de l’endroit où naquit Confucius.) On lui donna le nom de Shôheikô (Académie de Shôhei), et elle devint le centre du rituel confucianiste pour l’ensemble du pays, le shôgun et ses grands vassaux assistant aux cérémonies qui s’y déroulaient au printemps et en automne.
On voit que le confucianisme en tant que culte officiel était solidement établi, mais après la mort de Tsunayoshi, il perdit de son importance. L’académie de Shôhei n’en prospéra pas moins, et elle devint le premier établissement d’éducation de tout le pays, le centre des études classiques. C’était l’université de tous les membres de la famille Tokugawa et de tous les daimyô fudai, de même que des haîamoto.
Il convient maintenant de dire quelques mots de l’attitude de la cour impériale au sujet des études confucianistes. Traditionnellement, la cour avait toujours encouragé le savoir, les empereurs y voyant une partie de leur mission. Go-Yôzei, Go-Mizunoo et Go-Kômyô, qui régnèrent de 1584 à 1654, s’intéressèrent tout particulièrement aux études chinoises. Go-Yôzei commanda de belles nouvelles éditions 230 des Quatre Livres ainsi qu’un exemplaire du Classique de la piété filiale ; et Go-Kômyô, étudiant zélé de Zhu Xi, écrivit une préface aux œuvres de Seika, remarquable lettré et poète de la veine de Reizei.
Pour en revenir aux idéaux éthiques offerts aux membres de la catégorie la plus norhbreuse de la classe supérieure, les samurai, il est important de noter que les devoirs découlant des cinq relations humaines ne présentaient aucune difficulté pour des hommes nés dans une tradition de loyauté et d’obéissance. Ils n’avaient rien à apprendre sur ce type de relations, la société guerrière ayant été fondée sur une base similaire. On peut même dire que le modèle éthique, la façon de vivre idéale, du samurai était plus près de la vérité, mieux enraciné dans l’histoire que le dogme précis d’un philosophe. Cet aspect-là et d’autres du néoconfucianisme tel que le découvrit le Japon des Tokugawa semblent avoir bien convenu au tempérament indigène, émotionnel et empirique plutôt que strictement rationnel. C’est peut-être pour de telles raisons que, sous certains aspects, l’influence du néoconfucianisme au Japon commença à diminuer au XVIIIe siècle, car il ne pouvait plus s’appliquer aux problèmes de l’époque, qui devaient être traités de façon pragmatique. Comme on l’a vu, des opinions non conformistes avaient commencé de s’exprimer dès 1630 par la voix de Nakae Tôju, et elles ne cessèrent par la suite de se répandre sous différentes formes, coûtant parfois à leurs auteurs une punition officielle.
Un coup d’œil à la liste des dissidents suffit à démontrer que l’enseignement officiel était fortement attaqué :
Parmi les défenseurs de Zhu Xi comptait un puissant philosophe appelé Muro Kyüsö (1658-1734), qui, dans ses Conversations (Shundai zatsuwa), expliquait comment il avait développé ses opinions après bien des années d’étude et de réflexion. Selon lui, ceux qui critiquent les fondateurs du néoconfucianisme sont comme la chenille qui veut mesurer l’océan, ou comme un homme qui, assis au fond d’un puits à regarder le ciel, décrète qu’il est petit. Par ailleurs, il est troublé par la situation du Japon de l’époque, car il sent que l’avarice corrompt lentement les samurai. Ce qu’il dit à ce propos montre que le développement du commerce changeait l’éthique contemporaine. Il soutient que le guerrier idéal est un homme qui pense d’abord à son devoir, plus important que sa vie et ses biens. Jusque récemment, estime-t-il, les samurai ne s’intéressaient pas aux questions d’argent et menaient une vie simple. « Du temps de ma jeunesse, poursuit-il, les jeunes gens ne mentionnaient jamais les prix, et certains rougissaient en entendant des histoires lestes. C’est ainsi qu’ont changé les critères sociaux en une cinquantaine d’années. »
Il ne fait aucun doute que, chez les meilleurs des samurai, ce type de sentiment était sincère. Le même code rigide gouvernait le comportement d’Arai Hakuseki,
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