Histoire du Japon
appelé Itô Jinsai (1627-1705). Membre de la classe marchande, originaire de Kyoto, il s’était consacré à l’enseignement. Il ouvrit une école vouée à l’étude des grands classiques, et y attira un grand nombre d’élèves. Avec Yamaga Sokô, il formait ce qu’on appelait le Kogaku-ha, École du Savoir ancien, qui était opposé au néoconfucianisme comme à tout ce qui s’éloignait de la doctrine originale.
L’apparition de nouvelles écoles ou versions du shinto constitue une phase intéressante de l’histoire religieuse du Japon, que nous étudierons plus tard ; mais pour l’instant, il nous faut terminer cette étude du confucianisme au Japon par certaines remarques générales sur ses effets pratiques dans le domaine politique aussi bien que social.
Son effet direct sur la politique du bakufu est à peine perceptible. Si l’on examine les grands événements politiques d’après la mort de Ieyasu, on voit le développement d’un mouvement antichrétien, suivi d’une série d’ordres d’isolement culminant en 1639 ; l’étude foncière ordonnée en 1649 ; et, la même année, l’ordre dit Keian no furegaki, qui concernait essentiellement les problèmes agricoles et formulait des règles strictes concernant la façon de traiter les paysans. En 1651, ce fut la conspiration des rônin de Yui Shôsetsu. En 1658, six cents chrétiens furent tués à Omura, et, en 1683, deux cents dans l’Owari – événements qu’on peut difficilement considérer comme des exemples du « gouvernement humain » (jinsai) correspondant à l’idéal confucianiste. Entre 1638 et 1656, Sakai Tadakatsu fut tairô, puis il fut remplacé par Tadakiyo, qui finit par être évincé de sa charge en 1680. Ni l’un ni l’autre n’étaient du genre à se laisser influencer par les débats philosophiques du jour ; tous deux étaient conservateurs, et, comme on l’a vu, Tadakatsu s’en prit à un lettré qui avait osé suggérer des changements dans la politique du bakufu ; il est toutefois juste d’ajouter que Tadakatsu était un homme intègre, intéressé par le savoir, en qui Iemitsu avait une grande confiance.
L’idéalisme du système de Zhu Xi était impropre à résoudre les problèmes politiques courants ; en effet – pour reprendre l’opinion de Kitajima Masamoto, historien japonais moderne –, sa vision optimiste de la nature humaine et son attitude quiétiste le rendaient impuissant face aux troubles de l’ordre. Toutefois, il n’y a aucun doute quant au rôle que jouèrent les études néo-confucianistes dans le renforcement de la structure sociale du Japon des Tokugawa et l’apport d’une base morale à la société organisée qui devait remplacer celle, mal définie, d’un pays qui n’avait connu que de rares périodes de paix. Tout en appuyant un système visant à l’harmonie et à l’ordre au sein de l’État, la doctrine des cinq relations humaines fournissait à chaque individu une règle de conduite adaptée à sa position. La pratique se trouvait ainsi alliée à l’éthique, pour le samurai aussi bien que pour le paysan. La clé de ce système était bien entendu le devoir, mais il convient de remarquer que ce devoir concernait la classe gouvernante en même temps que les ordres inférieurs.
Dans cette conjoncture, il fut heureux pour le Japon que tant de jeunes gens de la classe des samurai s’intéressent à l’étude, car l’administration du pays comme des fiefs, grands et petits, demandait des hommes cultivés élevés dans un esprit de loyauté. Ainsi, on peut dire que le néoconfucianisme fournit au Japon des Tokugawa une administration soumise à un code de conduite rigoureux. On peut certes objecter que l’étude de la métaphysique ne constitue pas une bonne préparation à la vie administrative, mais il faut se souvenir que, dans les pays occidentaux, on considère toujours qu’une bonne éducation classique est un atout chez les responsables gouvernementaux. Citer les sages chinois équivaut à citer Platon ou Lucrèce.
Le nombre des lettrés confucianistes employés dans les fiefs comme conseillers ou enseignants était considérable, surtout à partir de 1651, quand le pays se fut remis des ordres d’isolement et de la découverte de la conspiration des rônin. Ayant effectué certaines réformes et amélioré l’administration de leurs différents fiefs, les daimyô éprouvèrent alors le besoin de recruter des fonctionnaires
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