Histoire du Japon
chinoises. Il devait couvrir l’histoire du Japon depuis l’antiquité jusqu’à la fin de l’époque de Nam-boku-chô, et s’intitulait Dai Nihon shi. La compilation avança rapidement du vivant de Mitsukuni, mais elle s’arrêta en 1715 et ne fut reprise qu’à la fin du xix e siècle. C’est le seul ouvrage japonais qui, par la forme et la qualité, puisse se comparer aux grandes histoires chinoises, car il suit leur modèle et est d’une extrême précision.
Le but de Mitsukuni n’était pas didactique. Il espérait que l’étude de l’histoire cultiverait l’esprit de ses samurai et leur montrerait l’importance de l’unité nationale. C’était un adepte convaincu de l’école de Zhu Xi, pour qui l’étude de l’histoire a pour but de fournir une orientation morale. Les actions des personnages historiques doivent être vues à la lumière de l’essence, ou vraie nature (li), de la vertu.
Les premières esquisses des parties qui relatent le conflit entre les cours du Nord et du Sud renferment une étude fouillée de la vraie nature, du « taigi meibun », loi morale réglant les rapports entre gouvernant et sujet. Ces sections en arrivent à la conclusion que, appuyant la cour du Nord, les shôgun Ashikaga se conduisirent en traîtres. Avec les progrès de l’ouvrage, auquel collaboraient de nouveaux lettrés – comme Asaka Tampaku (1656-1737) et Miyake Kanran (1674-1718) –, la langue utilisée devint plus objective et modérée. Au nombre des compilateurs du Dai Nihon shi comptait le lettré chinois Zhun Shunshui, qui vivait à Nagasaki et dont Mitsukuni sollicita la collaboration.
Quoique le premier but de cette grande entreprise fût de raconter l’histoire à travers les actions et la politique des souverains légitimes de la dynastie impériale, ses auteurs « ne condamnaient pas le shôgunat en tant qu’institution puisque c’était une arme du gouvernement impérial. Ils insistaient sur le fait que les shôgun étaient des sujets, mais ils n’osaient dénier à un empereur le droit de déléguer son autorité à tout officier de son choix 235 ».
CHAPITRE LV
La vie rurale
EXPLOITATIONS ET PAYSANS
Avant d’entreprendre une étude de la vie rurale au XVIIe siècle, il convient de se familiariser avec son caractère et son environnement. Le trait le plus remarquable de l’agriculture japonaise est la petite taille de ses exploitations, la grandeur des ensembles qu’elles forment, et la culture intensive à laquelle la terre est soumise. La principale récolte est celle du riz cultivé dans des champs irrigués (paddy, suiden), puis celle des céréales et des légumes cultivés en champs secs (hatake). Les champs sont petits. Ils se mesurent en chô – 1 chô valant 10 tan, soit approximativement 1 hectare –, et le produit d’un chô de paddy de première qualité est de l’ordre de dix koku, un koku étant l’équivalent d’environ 180 litres.
Dans toutes les discussions touchant la quantité et la qualité de la récolte, le fait dominant est qu’un koku de riz constitue la consommation moyenne annuelle d’une personne, en sorte que, aucune nourriture n’étant importée, la production globale en koku équivaut approximativement à la population totale du pays.
Pour cultiver un chô de terre mixte (irriguée et non irriguée), il fallait le travail à plein temps de quatre ou cinq hommes 236 . En pratique, la plupart des exploitations étaient de petite taille, et l’on peut dire que leur distribution était inversement proportionnelle à leur grandeur. Ainsi, un village de vingt exploitations pouvait se distribuer comme suit :
12 exploitations de moins de 5 koku 5 exploitations de 5 à 10 koku 2 exploitations de 10 à 20 koku 1 exploitation de 20 koku ou plus
Cette distribution est hypothétique, mais elle donne une bonne idée des éléments de la communauté rurale. Un point important qui ne ressort pas de ces chiffres est la proportion élevée de très petites exploitations ; en effet, la plupart des régions du pays comptaient de nombreuses exploitations de moins de cinq koku, soit d’une superficie de deux à trois tan, ne produisant parfois que deux koku, et, de ce fait, d’une utilité marginale.
Une exploitation produisant vingt koku (d’une superficie de deux chô) requérait le travail de cinq à huit hommes, nombre que la famille de l’exploitant pouvait rarement fournir. Il devait donc compter sur des collatéraux ou sur des
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