Histoire du Japon
de ses parents dans une région montagneuse isolée de la province d’Iga. Sa petite bande l’emporta, et Matagorô fut tué. Dans cette querelle, il y avait un élément homosexuel. Elle devint le sujet de nombreuses pièces de théâtre.
On connaît mieux l’histoire célèbre des quarante-sept rônin (1702), dont le thème est la loyauté envers un seigneur féodal. Depuis que cet acte de vengeance a été commis, aucune pièce n’a connu davantage de succès que celles dont il a fourni le sujet, et l’on ne peut douter de son influence sur l’esprit de toutes les classes. C’est un fait curieux que, alors que la plupart des cas de kataki-uchi enregistrés durant la première partie de l’époque d’Edo ont été l’œuvre de bushi, dans la seconde partie (sauf lorsqu’il s’agit de duels) ils furent principalement celle de paysans et de marchands. Il semble ainsi que, pour commencer, l’esprit militant des bushi s’était perpétué depuis l’époque des guerres, mais que, le temps passant, les guerriers s’adaptèrent à la vie civile, tandis que les classes moyenne et inférieure subissaient peu à peu l’influence du modèle de comportement confucianiste, ou celle des idées que véhiculait le théâtre.
L’attitude du bakufu à l’égard de la vendetta n’était pas hostile. Du moment qu’une question de devoir moral était en jeu, le gouvernement ne pouvait pas interdire des actes de vengeance inspirés par les idéals confucianistes de loyauté et de piété. Au contraire, ceux qui méditaient de se venger devaient demander au bakufu l’autorisation de le faire, ce qui, d’ordinaire, leur était accordé.
Cet acte est sanctionné de façon spécifique dans le « Code des cent articles » (appelé parfois « Legs de Ieyasu » bien que datant d’une période ultérieure, sans doute des environs de 1650). Ce document est une sorte de constitution de la société guerrière. Touchant la vendetta, il est parfaitement clair. Il dit qu’un homme « ne doit pas vivre sous le même ciel que quelqu’un qui a fait tort à son seigneur ou à son père » (article 51). Il précise ensuite que les autorités doivent être averties de l’intention de tuer un coupable, et que la permission en sera accordée à condition qu’il n’y ait pas de sursis et que l’affaire se passe sans émeute. Le même document contient un article qui stipule qu’un samurai peut tuer un membre de la classe inférieure « qui s’est comporté avec lui de manière offensante ». Dans ce cas, les autorités n’ont pas besoin d’être averties, le samurai ayant « kirisute gomen », c’est-à-dire l’autorisation d’abattre et de s’en aller sans autre formalité (article 44).
LES ÉTUDES HISTORIQUES
Lorsque Ieyasu s’occupa de faire imprimer de nouvelles éditions de classiques chinois sur le gouvernement, la science militaire et l’histoire, et quand Hayashi Razan et autres lettrés commencèrent à approfondir l’étude du confucianisme, ils ne firent que renouer avec la tradition intellectuelle du pays après une interruption due aux guerres du Moyen Age. En fait, ils furent les promoteurs d’un important mouvement de renaissance portant non pas tellement sur les beaux-arts que sur l’étude de la philosophie en général et de l’histoire en particulier.
Il n’y avait pas eu d’études historiques importantes depuis le Gukanshô de 1223 (l’un des grands ouvrages historiques du Japon, et le premier à tenter de donner une interprétation raisonnée du passé), et il fallait s’attendre à ce que, au commencement d’une nouvelle dynastie – les Tokugawa –, les lettrés souhaitent revoir l’histoire de leur pays à la lumière des idées alors courantes au Japon 234 . L’un des chefs de ce mouvement fut, comme il se doit, un Tokugawa distingué, Mitsukuni (1628-1700), daimyô du fief de Mito et petit-fils de Ieyasu. Il devint ainsi le chef d’une des Go-Sanke, les trois grandes familles collatérales de la lignée de Ieyasu.
Il se plongea dans les études classiques et se prit d’un vif intérêt pour l’histoire. A trente ans (en 1657), il commença la compilation d’une histoire nationale. Son but était de remplacer le Honchô tsugan, histoire officielle écrite par Hayashi Razan pour le bakufu, qu’il considérait comme un simple répertoire des événements. Lui-même avait pour objectif de composer un ouvrage général dans le style des grandes histoires
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