Histoire du Japon
familles concernées, et le mari pouvait divorcer de sa femme pour sept raisons diverses, dont la stérilité, l’inconduite et la maladie étaient les plus courantes. Pour être autorisé à divorcer, il lui suffisait de déclarer que son épouse n’était pas en accord avec les habitudes de sa famille. Aucune procédure légale n’était nécessaire hors d’un avis de divorce remis à la femme ou à ses parents – avis si bref qu’on l’appelait « mikudari-han », c’est-à-dire « trois lignes et demie ». Les relations privées entre mari et femme était une question d’intérêt secondaire, ou n’offrant aucun intérêt. La fonction de la femme était de faire des enfants, car, disait-on, « la matrice est une chose empruntée » (hara wa karimono).
Strictement appliquées, des règles comme celles-ci valaient aux femmes et aux enfants un traitement confinant à la cruauté, et il est certain que la vie des épouses était souvent pleine de souffrances. Mais il est clair aussi que, sauf peut-être dans les maisons strictes des samurai de classe supérieure, elles n’étaient que partiellement suivies, en sorte que l’affection et le bon sens venaient fréquemment adoucir les difficultés et rendre la vie familiale heureuse. D’ordinaire, le tyran que redoutait le plus une femme mariée n’était pas son mari mais sa belle-mère devenue veuve, qui, après une vie de soumission, pouvait enfin donner des ordres.
Il faut aussi se rappeler que, l’orgueil de la famille étant puissant, les parents ou les frères d’une épouse pouvaient se venger d’un mari qui la déshonorait ou la maltraitait gratuitement. La vendetta faisait partie de la société guerrière. On pourrait imaginer que, dans une époque de paix, l’esprit des guerriers se détournerait de ces formes de violence, mais l’adaptation de la société guerrière à la paix comptait parmi les problèmes les plus difficiles que rencontra le bakufu au XVIIe siècle. Il était relativement aisé de trouver une justification théorique à une classe qui ne produisait rien et n’avait pas d’occupation. La difficulté pratique était de trouver un emploi utile à des hommes qui n’avaient été formés que pour la guerre.
Après la fondation du bakufu, à mesure que s’améliorait l’organisation du gouvernement central et des fiefs, les bushi (guerriers) voyaient leur situation se détériorer. Ils commençaient à regretter la vie des camps et des champs de bataille, car dans les circonstances nouvelles ils n’étaient pas à l’aise. Ils étaient dépassés par un nouveau type d’homme, hommes souvent issus d’autres clans ou rônin prêts à servir un nouveau maître. Le nouveau bushi était d’un caractère très différent. Il vivait dans une ville-château, où, s’il en avait la capacité, il travaillait comme fonctionnaire dans l’administration du fief. La vieille garde des bushi considérait les fonctionnaires capables de remplir des tâches administratives importantes comme des lâches, soucieux d’éviter leurs devoirs militaires. Toutefois, c’était à eux qu’appartenait l’avenir, alors que, pour fidèles qu’ils fussent, les guerriers sans qualification spéciale n’avaient guère de chance de s’élever 233 .
Les nouveaux bushi remplaçant les anciens, les critères de conduite devaient inévitablement se modifier ; et c’est la raison pour laquelle les dirigeants intellectuels (si l’on peut désigner ainsi les lettrés confucianistes) cherchèrent à développer un système logique de morale qui puisse s’appliquer à la vie de la classe militaire, du daimyô au dernier des samurai.
Le premier effort sérieux pour formuler des principes de cette nature fut tenté par Yamaga Sokô, dont on a déjà évoqué l’ouvrage intitulé Shidô (la Voie du guerrier), écrit vers 1665. Dans ce livre, il commence par dire à très juste titre que le samurai est quelqu’un qui ne travaille pas, ni comme paysan, ni comme artisan, ni comme commerçant. En ce cas, se demande-t-il, quelle peut être sa fonction ? La réponse est que le samurai est un guide qui montre la voie par son exemple en s’acquittant de ses obligations morales de loyauté et de piété filiale. D’après Sokô, le samurai est un maître qui voit sa fonction non pas en termes de récompense mais seulement de devoir. L’intérêt particulier de cet ouvrage comme d’autres traités de Sokô réside dans le fait qu’il propose
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