Histoire du Japon
donc imaginer que, de façon générale, il y avait un facteur d’erreur très élevé dans l’estimation de la surface des champs découpés irrégulièrement, et les villages en profitaient sans doute lorsqu’il s’agissait de donner des informations aux inspecteurs. Lors du relevé de Genroku mentionné plus haut, on ne fit aucun effort sérieux pour mesurer les terres, et leur production fut jugée à vue d’œil sur la base d’un lopin à l’époque des récoltes. Ainsi, les chiffres officiels concernant la valeur des terres en koku doivent être considérés comme des indications de grandeur, et non comme des données précises.
Son empressement à écouter les plaintes entrait parmi les caractéristiques originales de la méthode gouvernementale de Yoshimune. Sous la loi médiévale et jusqu’au premier quart du xviii « siècle, l’un des plus graves délits avait été l’« appel direct » ( jikiso ) à la justice du shôgun, passible de mort. En 1716, le gouvernement d’Edo avait déclaré qu’un grand nombre de requêtes et de suggestions étaient parvenues aux hauts fonctionnaires, et qu’après examen, aucune ne s’était révélée utile. En fait, si on y avait donné suite, elles auraient eu des résultats fâcheux. A l’avenir, sauf quand le gouvernement demandait leur avis, les responsables de telles initiatives seraient par conséquent punis.
La vraie raison de la politique apparemment réactionnaire du bakufu était la découverte d’une affaire de corruption organisée où des marchands et autres persuadaient des fonctionnaires de soumettre leurs propositions aux röjü 260 . La réaction à cette pratique fut très violente, puisque, quelle que soit leur nature, toutes les requêtes et doléances se trouvèrent désormais interdites. Cette décision reflétait l’attitude généralement rétrograde des röjü pour qui la politique ne devait pas se baser sur l’opinion publique. Néanmoins, sous l’influence de Yoshimune, la proclamation de 1716 fut abrogée en 1719. Les plaintes et les suggestions seraient maintenant examinées, et leurs auteurs ne seraient pas punis même si leurs opinions se révélaient peu judicieuses.
Les trois röjü en second reçurent l’ordre d’adopter les propositions d’intérêt général, comme les méthodes pour améliorer les récoltes. Yoshimune ne craignait pas les appels directs. Lors des fêtes du nouvel an 1718, revenant du sanctuaire familial d’Ueno, il fut approché par un citoyen porteur d’une pétition. La police s’empara du délinquant et allait le remettre aux magistrats pour être puni quand Yoshimune intervint et ordonna qu’à l’avenir on ne procède plus à de telles arrestations mais que les pétitions ainsi remises soient examinées par les autorités municipales. Ces incidents paraissent insignifiants, mais ils montrent un changement profond dans l’attitude du bakufu à l’égard des problèmes sociaux sous Yoshimune.
Dans ses efforts pour régler les problèmes financiers dont le gouvernement était accablé, Yoshimune eut recours à des mesures qui méritent une étude quelque peu détaillée, car elles révèlent certaines faiblesses dans le système politique qu’il s’employait à réformer. La faute n’en était sans doute pas à lui, mais aux fonctionnaires permanents chargés de faire exécuter sa politique.
Comme on l’a vu, l’un de ses premiers soucis fut le problème que posaient les moyens d’existence de la classe guerrière, qui souffrait de l’augmentation du coût de la vie. Pour donner suite à ses désirs, les fonctionnaires recoururent aussitôt à la méthode traditionnelle consistant à publier des édits. Ceux-ci visaient à réduire les dépenses en imposant l’économie. Connus sous le nom d’« ordres d’économie », ils avaient eu de nombreux précédents demeurés sans effet depuis la fondation du bakufu Minamoto au Moyen Age, et même depuis l’Antiquité. Il s’était parfois agi de tentatives pour faire vivre les samurai selon leur rang ; mais les ordres en question avaient pour but de freiner les dépenses, qui augmentaient en même temps que la vie citadine devenait plus prospère et plus difficile pour les familles ayant un revenu fixe.
En 1721, Yoshimune ordonna à tous les fonctionnaires de réduire les dépenses courantes de leurs départements, et même de formuler leurs objections lorsqu’on leur demandait d’appliquer des mesures qui leur
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