Histoire du Japon
contribution annuelle de 100 koku par 10000 koku de revenu.
Cette période faste ne dura pas. De nouvelles difficultés surgirent, des obstacles qui ne pouvaient pas être surmontés par la publication de règlements. En 1730-1731, à la bourse de Dajima, le prix du riz tomba très bas. Ces fluctuations étaient d’ailleurs inévitables dans un pays fermé qui dépendait des conditions atmosphériques pour se nourrir. Dans les premières années du XVIIIe siècle, un numéraire flottant et un contrôle relâché des finances nationales, joints à de fréquentes mauvaises récoltes, avaient fait monter le prix du riz, qui resta à la hausse jusqu’en 1720-1722, où il atteignit le chiffre record de 70 à 80 momme d’argent par koku. Mais à partir de 1723, une série de bonnes récoltes ramenèrent le prix à 40 momme, et en 1730-1731, il tomba au minimum de 22 – tout cela, bien sûr, à un moment où la monnaie ne connaissait pas d’altérations.
Bien qu’elle profitât au consommateur, une chute aussi brutale ne pouvait manquer de perturber gravement l’économie, où le riz servait de monnaie d’échange, ou du moins d’étalon. Les premiers à souffrir de la baisse furent les membres de la classe militaire dont la pension était payée en riz, riz qu’ils avaient coutume de vendre par l’intermédiaire d’un fudasashi, ou courtier. Mais la population rurale fut aussi affectée, car elle dépendait (à part pour sa propre consommation) de la vente de son surplus pour faire face aux dépenses courantes.
Puis l’année suivante, c’est-à-dire l’été 1732, les récoltes sur pied de vastes régions de l’Ouest furent la proie des insectes. Les ravages qu’ils causèrent entraînèrent une famine touchant plus de deux millions de personnes, dont plus de dix mille moururent malgré le prompt envoi de riz provenant des réserves du gouvernement. Le prix du marché monta alors si haut que les autorités se trouvèrent impuissantes à y remédier. Dans certaines villes, dont Edo, il y eut de graves émeutes au début de 1733, où l’on découvrit que des spéculateurs profitaient de la situation. Ce furent les premières émeutes dites « uchikowashi », qui allaient se multiplier par la suite. De violents troubles similaires eurent lieu dans d’autres régions du pays, jusqu’à ce que Tassez bonne récolte de l’automne 1733 ramène le riz à un prix abordable.
Toutefois, ce changement ne supprima pas l’inquiétude du gouvernement, car le prix tomba alors à environ 40 momme, et, comme précédemment, sa baisse frappa les daimyô et autres membres de la classe militaire dépendant, de la vente de leur riz pour payer l’administration de leurs domaines et les frais (très lourds) de leur séjour annuel à Edo.
Les entrepôts d’Osaka regorgeaient maintenant de riz 263 , mais les courtiers et leurs clients, les spéculateurs, se refusaient à acheter, de sorte que le prix restait bas. En novembre 1735, le gouvernement dut finalement intervenir en fixant un prix officiel, ordonnant aux marchands d’Edo de ne pas acheter à moins d’un ryô pour 1,4 koku, et à ceux d’Osaka à moins de 42 momme le koku. S’il payait un prix inférieur, l’acheteur aurait à verser une amende de 10 momme par koku. Compliqués par les variations normales selon la qualité du riz, ces règlements se révélèrent impossibles à mettre en pratique.
Ainsi, durant la décennie suivante, le prix du riz connut de grandes fluctuations, et le bakufu dut faire de gros efforts pour modérer celles-ci. En fait, la première préoccupation de Yoshimune au cours de ces années (il se retira en 1745 et mourut en 1751) consista à trouver un remède efficace aux maux entraînés par les hauts et les bas des cours affichés à la bourse du riz. Ces problèmes exigeaient à ce point l’attention du gouvernement que, par dérision, on appelait Yoshimune « kome shôgun » ou « kome kubô » : le shôgun du riz.
Si nous avons décrit ces acrobaties monétaires d’une façon qui peut paraître trop détaillée, c’est parce qu’elles se conjuguent pour démontrer que l’économie nationale se trouvait régie par le riz, qui était à la fois la nourriture de base et le premier moyen d’échange. Ainsi, les hasards du climat et des maux naturels dictaient l’action des gouvernants dans le domaine politique et social. Le riz était si important qu’une pénurie avait l’effet d’une déflation monétaire.
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