Histoire du Japon
paraissaient trop coûteuses. En 1722, alors qu’il travaillait à une révision complète de la politique financière, il expliqua aux daimyô et aux hatamoto quelle était la position du gouvernement, leur demandant de réduire leur niveau de vie. En 1724, le bakufu publia des lois somptuaires limitant les dépenses privées en matière de cérémonies, de vêtement, d’ameublement, etc. Ce genre d’ordres fut réitéré presque annuellement pendant les deux décennies suivantes.
On les trouve en détail dans le recueil officiel des ordres du bakufu (« O furegaki »), qui, sous la rubrique « Règles d’économie », renferme des documents qui portent des dates allant de 1640 à 1743. Ils valent la peine d’être étudiés pour la lumière qu’ils jettent sur les changements sociaux qui accompagnèrent la montée de la bourgeoisie dans les grandes villes et, à un moindre degré, dans les villes-châteaux.
Le recueil intitulé « O furegaki shusei », décrit à juste titre comme registre d’un État policier, contient sous la rubrique « Ordres d’économie » des documents remontant à 1640 et au-delà. Ceux qui datent de l’époque de Yoshimune sont très détaillés, comme le montrent les extraits suivants des ordres de 1724 :
« Il a été à plusieurs reprises ordonné par le shôgun qu’il fallait faire preuve d’économie dans tous les domaines comme l’échange de cadeaux et les réceptions coûteuses pour fêter les mariages. Dorénavant, ces règles devront être appliquées comme suit :
– Depuis quelques années, la tenue des femmes est de plus en plus ostentatoire. Désormais, même les épouses des daimyô ne devront plus utiliser pour leurs vêtements qu’une petite quantité de broderies de fil d’or et ne plus porter de robes faites de tissus coûteux. Les servantes porteront la tenue simple qui convient à leur position, et dans chaque ville le prix fixé pour ces articles sera publiquement annoncé.
– Les laques de prix ne seront plus achetés même par les daimyô. Les sièges, les coffres et les boîtes à ouvrage de leurs épouses seront de simple laque noire, sans autre ornement qu’un emblème.
– Les chemises de nuit, couvre-lit, matelas, etc., ne doivent pas être de fins tissus brodés.
– Le nombre de palanquins dans le cortège d’un mariage ne doit pas dépasser dix. »
Ces détails donneront une idée générale de la tendance des modes et de l’échec du bakufu à faire appliquer ses lois somptuaires.
En plus de ces avis publics, le bakufu fit verbalement savoir aux daimyô de plus de 10000 koku de réduire leurs dépenses. Une autre proclamation fut faite en 1729, insistant pour que l’on obéisse à ces édits et admettant que, du fait de la chute du prix du riz, les personnes qui vivaient d’une pension en riz connaissaient des difficultés. Elles n’auraient donc pas à payer plus de 5 % d’intérêt sur les dettes contractées depuis 1702. On soulignait par la même occasion la nécessité de se montrer économe dans le domaine de la nourriture, de l’habillement et des relations sociales.
Inutile de dire que ces règles n’étaient pas suivies. Les samurai pauvres ne pouvaient pas s’offrir des produits de luxe, et les citadins et paysans aisés ne pouvaient être amenés à mener une vie simple alors qu’ils jouissaient d’une certaine prospérité après des années d’indigence. C’est en vain que ces ordres d’économie furent répétés jusqu’en 1743. Ils étaient l’œuvre de petits fonctionnaires que le pinceau démangeait, mais même s’ils avaient été publiés par une plus haute autorité, ils seraient restés sans effet, car le bakufu ne pouvait contrôler l’industrie et les prix par de simples décrets.
Nous avons déjà parlé du problème monétaire, et le moment est venu d’étudier les autres efforts tentés par Yoshimune pour redresser l’économie nationale 261 . Jusqu’ici, sa politique avait été une politique de restriction, mais ses résultats n’étaient pas satisfaisants. En fait, vers 1722, alors que sa réforme monétaire commençait à porter ses fruits, la situation économique générale se détériorait, non pas tellement du fait des erreurs commises qu’à cause des dégâts causés l’été d’avant par une tempête sur un territoire très vaste. C’est à la fin de l’automne de cette année-là (1721) que le bakufu dut ajourner le versement des pensions des
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