Histoire du Japon
l’éducation.
Les paysans aisés, membres de la classe des nanushi, avaient une certaine connaissance des classiques chinois. Maints d’entre eux étaient familiers des grandes anthologies de la poésie japonaise, et organisaient chez eux des soirées de haiku. La plupart des villageois connaissaient les vers du grand poète Bashô, et certains se souvenaient de l’avoir vu passer lors d’un de ses pèlerinages à la fin du XVIIe siècle.
Le changement survenu dans le caractère de l’économie se reflétait inévitablement dans celui de la structure même du village. Les liens familiaux unissant le hon-byakushô et ses ouvriers commençaient à se perdre. Le groupe qui cultivait la terre dans un effort commun se fragmentait en petites unités indépendantes du hon-byakushô, mais gagnant de quoi vivre en partie grâce au travail du sol et en partie en s’engageant à la journée chez des marchands ou des artisans de la ville, ou grâce à la vente d’articles artisanaux fabriqués au village avec les matériaux locaux. La relation de l’ouvrier avec le hon-byakushô n’était plus celle d’un parent avec un chef de famille, mais celui d’un tenancier devant une location à son propriétaire. Ces tenanciers étaient forcément pauvres, et, pour joindre les deux bouts, ils étaient contraints de travailler pour les autres ou à quelque industrie domestique. Ainsi, le village était désormais composé de quelques riches familles et de nombreux paysans pauvres. Et c’était ces derniers qui souffraient le plus des désastres naturels et qui étaient le plus susceptibles de se transformer en vagabonds.
Il est difficile d’imaginer comment un simple décret politique aurait pu remédier à cette situation, où la production agricole augmentait tout en amenant la pauvreté. Il y avait une faiblesse dans le contrôle des villages par le bakufu et les daimyô, car les membres de la classe militaire ne vivaient plus désormais sur la terre dont ils tiraient leurs revenus et se trouvaient ainsi coupés des paysans. Ils subissaient l’influence du conservatisme inhérent à la pensée féodale et étaient pleins de préjugés au sujet des impôts et de l’estimation du rendement ( kokudaka ). Alors que la production de riz et autres céréales était en hausse, le revenu des propriétaires augmentait également, mais les paysans riches recouraient à toutes sortes de moyens afin de déjouer les efforts de la classe militaire pour leur imposer de nouvelles redevances. Seuls les paysans les plus pauvres avaient du mal à résister et se trouvaient poussés à la révolte.
Ainsi, il arrivait que le village jadis paisible fût en proie à des luttes intestines. Le riche était contre le pauvre, surtout en matière d’impôts, dont l’injuste répartition pesait lourdement sur les faibles. Les familles qui possédaient de vastes exploitations prétendaient décider pour le village entier sur tout ce qui était important, ce qui donnait lieu à des conflits tournant à la violence, les « komae sôdô », ou « soulèvements des petites familles ». Plus graves étaient les soulèvements des « ômae », ou « grandes familles », menés par les principaux exploitants d’un groupe de villages et connus sous le nom générique de « hyakushô ikki ». Paysans riches et pauvres s’y trouvaient associés, menant le même combat contre les excès fiscaux des daimyô ou des représentants du bakufu. Dans certaines de ces révoltes, les pauvres faisaient preuve d’un courage désespéré. C’était des affaires graves, dues à un défaut fondamental dans le système agricole, mais non pas à son manque d’efficacité dans le domaine de la production, car il est certain que, même durant ces périodes troublées, le produit total était en hausse ainsi que le niveau de vie général. Ce qui péchait, c’était l’attitude conservatrice du bakufu et des daimyô, qui continuaient d’exiger des impôts excessifs pour faire face à leurs dettes croissantes.
En ce qui concerne le développement urbain, Yoshimune était généralement intéressé, mais son premier souci était d’améliorer l’administration municipale d’Edo. Il introduisit des mesures pour lutter contre la propagation des incendies, qu’avec un humour bien particulier les habitants de la ville appelaient les « fleurs d’Edo » (J edo no hana). La sagesse avec laquelle il sut choisir les magistrats et officiers municipaux est
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