Histoire du Japon
Un État qui manquait à ce point de stabilité financière était forcément difficile à gouverner, et, de fait, la plupart des problèmes que Yoshimune eut à affronter étaient d’origine financière, et, par nature, impossibles à résoudre dans le cadre de la société japonaise d’alors.
Les statistiques précédentes montrent clairement que, durant la décennie débutant en 1730 (où s’équilibrèrent revenus et dépenses), les efforts du shôgun pour maintenir les finances du bakufu sur une base saine et stable se soldèrent par un échec. La cause de cet échec fut un recours à des manipulations monétaires. En 1714, comme on l’a vu, la monnaie or était saine, mais en 1736, le gouvernement en revint à une dévaluation qui détendit la situation en arrêtant la baisse du prix du riz. Mais le problème ne fut pas résolu pour autant, et les samurai continuèrent d’être victimes du déséquilibre entre le riz bon marché qu’ils recevaient en paiement et les produits coûteux qu’il leur fallait acheter.
Pour comprendre le cours ultérieur de l’histoire du Japon, à la fois politique et économique, il est important de saisir que les conditions nécessaires à la stabilité étaient une monnaie saine, des revenus et des dépenses équilibrées, et un approvisionnement adéquat. Mais elles n’étaient que rarement réunies dans un pays soumis aux typhons, coupé des produits étrangers, et divisé en un certain nombre de juridictions séparées sur lesquelles le gouvernement central ne pouvait exercer qu’un contrôle limité.
Dans ses efforts pour augmenter les revenus du bakufu, Yoshimune se préoccupa du rendement fiscal des terres cultivées, et il nomma deux fonctionnaires pour en accroître le montant par de rigoureuses méthodes de collecte. L’un d’eux était Kamio Haruhide, röjü connu pour sa sévérité, et dont on prétend qu’il aurait dit : « Les paysans sont comme les graines de sésame. Plus on les presse, plus on obtient d’huile. »
Le montant de l’impôt provenant de cette source était tombé durant les dix ans précédant 1736, sans doute à cause de la résistance des paysans. En 1744, grâce aux méthodes oppressives de Kamio et de ses collègues, il était monté de 1320000 à 1800000 koku, alors que le produit estimé ( kokudaka) de l’ensemble des domaines du bakufu s’élevait à 4600000 koku, chiffre le plus élevé atteint sous le régime des Tokugawa 264 . Mais cette augmentation dans les revenus du bakufu ne fut pas permanente. La collecte de l’impôt ne put être maintenue à un niveau aussi élevé. L’effondrement des marchés du riz, la chute des prix, les tempêtes et les famines se conjuguèrent pour diminuer la puissance financière du bakufu si bien qu’en 1745 s’amorça un lent déclin. Vers 1770, l’impôt perçu annuellement se situait entre 1 100000 et 1200000 koku.
LA SOCIÉTÉ RURALE
Les raisons de ce déclin sont multiples, mais il ne fait aucun doute qu’il fut en partie dû à un grand changement dans la nature de la société rurale, qui, dans les premières années du XVIIIe siècle, avait déjà commencé à perdre son étroite organisation familiale et à se fragmenter en éléments plus disparates. On prétend parfois que ces communautés rurales, ou maintes d’entre elles, tombèrent dans un état de pauvreté désespérée par la faute du mauvais gouvernement des autorités féodales. Mais il n’y a pas grand-chose à l’appui de cette thèse. Il y avait, c’est vrai, des périodes de famine dues à des calamités naturelles, mais rien de prouve que (sorti de ces pertes anormales) l’ensemble de la production agricole diminua. Il est difficile de croire que la prospérité de la vie citadine et le développement remarquable de la culture urbaine s’accompagnèrent d’une chute dans le rendement des exploitations paysannes.
La vérité est que le caractère de l’économie rurale avait commencé à évoluer selon de nouvelles lignes, en grande partie grâce à l’extension de l’économie monétaire, ou, pour formuler les choses plus simplement, à une augmentation et à une diversification des transactions en argent. On en trouve la preuve dans de nombreux documents écrits par les paysans mêmes, et notamment dans des livres de comptes bien tenus qui indiquent clairement un essor, et non pas un déclin, dans le domaine de la production, et -peut-on ajouter – un progrès dans celui de
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