Histoire du Japon
publié un ouvrage sur la défense maritime intitulé Kaikoku heidan, soulignant que le Japon n’avait ni marine ni flotte marchande susceptible d’être utilisée pour la défense. Or le livre de Hayashi venait à point nommé, car quelques mois après son arrestation, une mission arriva de Russie à Nemuro, dans l’île d’Ezo (connue aujourd’hui sous le nom de Hokkaido).
Sadanobu savait ce qu’il y avait de vrai dans les accusations de Hayashi, mais il n’aimait pas qu’on semât l’inquiétude. Pour lui, il n’était pas sage d’alarmer le peuple. C’est l’une des ironies de l’histoire que, tandis que ces soucis mineurs occupaient l’esprit des dirigeants japonais, un danger plus pressant parût les menacer dans les relations extérieures. Dans le Nord, en effet, il y avait déjà des problèmes avec les Russes, et les Aïnous qui vivaient à Kunajiri (la Kurile la plus proche d’Ezo) étaient constamment en révolte. L’apparition de navires étrangers au large des côtes japonaises donna au bakufu une vraie raison de s’inquiéter. L’heure n’était plus aux discussions philosophiques. Désormais, l’esprit des penseurs devait s’appliquer à de graves questions de politique nationale. Comment le gouvernement allait-il réagir devant cette menace indéniable à sa politique d’isolement ? Les questions de réforme qui occupaient Sadanobu devaient maintenant céder le pas à de solides réalités.
Durant l’été 1792, un officier de marine russe atteignit Nemuro, ayant pour mission de rapatrier quelques naufragés japonais et de proposer l’ouverture de relations diplomatiques et commerciales, proposition qu’il alla soumettre à Edo. Port de l’île d’Ezo, Nemuro se trouvait en territoire japonais, en sorte que, selon la loi en vigueur au Japon, le navire russe n’avait pas le droit d’y entrer. Sadanobu donna des ordres à la défense côtière, et, en 1793, il alla lui-même inspecter les côtes de l’Izu et du Sagami. L’année suivante, il abandonna ses fonctions de régent, non parce qu’il estimait que sa politique avait échoué, mais parce que ses détracteurs lui reprochaient toutes les difficultés auxquelles le gouvernement se trouvait confronté. Il était maintenant en butte à la mauvaise humeur et à la jalousie du shôgun Ienari, pressé de diriger le bakufu, et qui allait d’ailleurs continuer à gouverner jusqu’en 1837, occupant ainsi ses fonctions durant cinquante ans.
Ienari ne contribua guère à la prospérité de l’État, car l’essentiel de ses actions se solda par l’échec des entreprises lancées par Sadanobu dans l’intérêt de la nation. Non content que ce dernier eût démissionné comme régent, il alla jusqu’à rayer son nom de la liste des röjü, mesquinerie qui lui fut inspirée par les rivaux ou les ennemis de Sadanobu dans les appartements intérieurs du palais du shôgun.
Il n’y avait guère de sympathie pour Sadanobu parmi les Japonais. Ils étaient las de ses efforts pour leur dicter leur conduite, et avaient en horreur son zèle réformateur. Le sentiment populaire s’exprimait à travers des pamphlets, des chansons, des satires, jouant sur les noms de Tanuma et de Shirakawa. Ils disaient préférer un étang boueux ( numa) à un cours d’eau limpide ( shirakawa ). Des critiques moins grossiers lui reprochaient ce qu’ils considéraient comme sa prétention et son inefficacité ; pourtant, on ne peut guère douter que son administration réussit à remettre de l’ordre dans la situation irrégulière laissée par Tanuma, et à prévenir, ou du moins à repousser, un grave déclin de l’autorité du bakufu. Conservateur comme il l’était, il ne tenta aucun changement radical ; mais de l’avis de certains Japonais, ses efforts et ceux de son fidèle collègue Matsudaira Nobuaki (qui le remplaça comme röjü) se conjuguèrent pour prolonger l’autorité du bakufu pendant trente ans après la disparition de Tanuma.
L’APPROCHE RUSSE
L’expansion russe à travers l’Asie remonte loin, mais il ne semble pas que les géographes russes aient connu grand-chose du Japon avant la fin du xvii e siècle. Ils disposaient de certaines informations de sources hollandaises ainsi que des descriptions d’Atlasov, un explorateur envoyé au Kamtchatka qui, en 1700, adressa à Moscou un rapport sur les Kuriles et leur proximité par rapport au Japon. Il tenait ses connaissances d’un naufragé japonais nommé Dembei.
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