Histoire du Japon

Celui-ci avait réchappé avec quelques autres à une tempête catastrophique, et, ayant atteint le Kamtchatka, il avait eu la chance de tomber sur Atlasov, qui s’était intéressé à lui et l’avait envoyé à Moscou. Pierre le Grand, qui l’avait reçu en 1702, avait montré beaucoup d’intérêt pour tout ce que Dembei avait pu lui apprendre sur le Japon, et, cette même année, il publia un décret ordonnant des préparatifs en vue de nouer des rapports avec le Japon. Dès lors, il y eut des tentatives russes toujours plus nombreuses pour atteindre le Japon depuis le Kamtchatka, et l’on se mit à étudier le japonais à Moscou.
    Parmi ces premières expéditions, il y en eut une en 1721 à partir d’Okhotsk sous la direction de savants chargés de trouver une route conduisant au Japon en passant par les Kuriles. Ces tentatives se poursuivirent jusqu’en 1792, où le lieutenant Adam Laxman, fils d’un professeur de sciences naturelles d’Irkutsk, arriva avec une expédition envoyée par Catherine la Grande à bord de l ’Ekaterina, qui, d’Okhotsk, avait longé l’archipel des Kuriles. C’est cette visite qui alarma Edo et amena Sadanobu à démissionner.
    Laxman fut bien traité par les fonctionnaires qui attendaient à Nemuro une réponse d’Edo, car il y avait plusieurs décennies que les Japonais et les Russes étaient en contact au Ezo, et ils entretenaient des rapports amicaux. Il envoya ses lettres d’instruction à Edo pour montrer qu’il voyageait sur l’ordre de son souverain dans l’intention d’ouvrir des négociations à des fins commerciales et résidentielles. Il devait également rapatrier plusieurs naufragés japonais, y compris un homme remarquable, Kôdayu, qui enseignait le japonais à Irkutsk et avait été le protégé d’un lettré de la ville, Eric Laxman, le père d’Adam.
    La mission d’Adam Laxman mit Sadanobu dans une situation embarrassante, qu’il résolut par un moyen habituel aux hommes d’État : la temporisation. On fit comprendre à Laxman que, s’il voulait être admis à Nagasaki, il devait s’y rendre et, comme tout le monde, demander l’autorisation d’entrer dans le port. Nagasaki était le seul port japonais ouvert aux bateaux étrangers. Laxman ne fut pas satisfait de la réponse et s’en retourna en Russie. Le gouvernement russe n’était pas suffisamment intéressé pour exercer une pression directe sur le Japon, avec lequel il ne renonça toutefois pas à nouer des liens plus étroits. Quelques années plus tard, un nouveau navire russe fit son apparition. C’était en octobre 1804, où le Nadejda, bateau de guerre transportant un ambassadeur du tsar, entra dans le port de Nagasaki. L’ambassadeur, Vasilii Rezanov, fut traité assez poliment, mais il ne rencontra pendant plusieurs mois que retard et obstruction. En mars 1805, on lui dit que des instructions étaient arrivées d’Edo, et qu’il lui fallait partir sur-le-champ. Ce qu’il fit.
    A ce moment-là, la situation politique à Edo était confuse. Quoiqu’il eût quitté ses fonctions, Sadanobu était toujours en mesure d’exercer une certaine influence en tant que membre d’un groupe de hauts fonctionnaires d’État comprenant Matsudaira Nobuaki et d’autres conseillers. Ils réussirent durant un certain temps à contrôler l’incompétent shôgun Ienari, mais peu après le tournant du siècle ils commencèrent à perdre leur autorité. Alors que ce changement s’effectuait dans le caractère du gouvernement, le bakufu subit les contre-coups d’une tension surgit dans les relations avec la Russie due au traitement de Rezanov 268 . Mais la réaction du gouvernement fut entièrement négative. Il ne fit que refuser les demandes russes.
    La raison de ce changement ne fut (plutôt que la pression exercée par les Hollandais ainsi qu’on le suggère parfois) qu’une perte absolue de l’esprit positif et actif qu’avait manifesté le bakufu dans l’exercice de son pouvoir une décennie plus tôt.
    Après le départ de Rezanov, aucune nouvelle tentative russe ne fut faite pour établir une base sur l’île principale du Japon, mais il y eut de fréquents raids sur Ezo et sur les Kuriles, inspirés par Rezanov pour se venger de l’humiliation qu’il avait essuyée à Nagasaki. Il s’était rendu en Alaska et, de là, à San Francisco, où il commençait des préparatifs pour une expédition contre Sakhaline. Il avait à son service deux officiers de marine russes,