Histoire du Japon
se soulevèrent, et trois mille d’entre eux marchèrent sur la ville-château.
Il y eut des troubles similaires dans d’autres fiefs transmis à de nouveaux daimyô. Dans un cas, les émeutiers se montrèrent à tel point menaçants que le daimyô dut demander de l’aide au gouverneur d’Osaka, qui finit par lui envoyer des troupes, mais seulement après que d’importants dommages eurent été commis. Les daimyô tozama connaissaient rarement ce genre de difficultés, car le bakufu les traitait avec ménagement.
Qu’ils soient tozama ou fudai, seuls les très grands fiefs jouissaient d’ordinaire d’une situation économique favorable. Ils étaient à même de développer leurs ressources, mettant à profit leur puissance pour promouvoir non seulement l’agriculture mais aussi d’autres formes de production. Ceux qui étaient pratiquement autonomes pouvaient juguler l’inflation dans les limites de leurs domaines. C’était le cas des grands fiels de Satsuma, Chôshû, Kaga et Owari.
Liste des fiefs tozama*
Revenu estimé
(kokudaka)
Kaga (Maeda) 1022700
Satsuma (Shimazu) 770000
Sendai (Date) 625600
Higo (Hosokawa) 540000
Chikuzen (Kuroda) 520000
Aki (Asano) 426000
Chöshü (Môri) 369000
Hizen (Nabeshima) 357000
Inaba (Ikeda) 325000
Ise (Tôdô) 323000
Bizen (Ikeda) 315000
Quoique les petits daimyô fudai ne fussent pas de puissants vassaux, c’est à eux et à leurs partisans que le bakufu confiait les postes les plus importants du gouvernement, souvent sur une base héréditaire.
La situation des fiefs se transformait avec le temps, et le facteur de changement peut-être le plus important était l’expansion de l’économie, qui posait aux suzerains et vassaux de nouveaux problèmes qu’ils n’étaient pas bien armés pour résoudre, le bakufu ayant légiféré contre le changement. A l’origine, le système sur lequel présidait le shôgun était une société féodale fortement conservatrice, fondée sur une division rigide des classes et une transmission du statut par hérédité. En principe, du fait qu’il était hostile au changement, il s’en tenait à des méthodes de gouvernement bien établies. Cependant, après la mort de Iemitsu, troisième shôgun, en 1651, il devint évident que le maintien de l’ancien régime était incompatible avec le développement naturel du pays en période de paix.
Les causes immédiates de cette transformation étaient l’expansion de l’économie monétaire à la fin du XVIIe siècle, et les changements subséquents dans le caractère de la vie rurale aussi bien que citadine. Le problème urgent qui se posait au bakufu était de savoir comment concilier ces conditions nouvelles avec le maintien de la discipline dans la classe guerrière ; car les finances du bakufu étaient en déficit, et les moyens de subsistance des samurai se trouvaient en danger.
C’était là la tendance qu’avait connue le gouvernement peu après sa constitution, une fois que des paiements urgents eurent entamé l’important trésor accumulé par Ieyasu. Il y eut des phases presque régulières d’expansion et de contraction dans les finances du bakufu et, partant, de nombreux daimyô, à des intervalles d’environ dix ans entre, mettons, 1700 et 1820.
Les fiefs variaient en taille, en puissance et dans la nature de leurs produits, mais ils avaient un trait commun, les difficultés financières qu’ils devaient affronter tandis que l’économie nationale développait rapidement l’usage de la monnaie. A part les plus puissants, tous étaient obligés de liquider leur riz au prix que les courtiers d’ôsaka et d’Edo voulaient bien leur
offrir. Le caractère autonome des fiefs aurait pu être préservé s’il n’y avait pas eu la règle de présence alternée (sankin kôtai), qui les contraignait à entretenir à grands frais une maison à Edo. Pour faire face à ces frais, il leur fallait de l’argent, et c’est ce qui développa et hâta l’emploi de la monnaie dans les transactions financières des fiefs, et par suite dans l’ensemble du pays.
Le bien-être du clan, la qualité de son gouvernement, en vinrent ainsi à dépendre de son adaptation à la situation monétaire. En théorie, le problème paraît assez simple, mais dans la pratique, presque tous les
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