Histoire du Japon
excessif, mais la classe dirigeante considérait le fait d’aller au théâtre presque comme un vice, en partie parce que les lois somptuaires l’interdisaient, mais aussi parce que les pièces étaient susceptibles de parodier la vie menée dans la Société militaire.
La désapprobation des moralistes ne calmait pas l’ardeur avec laquelle les citadins cherchaient à se divertir. Il est difficile d’expliquer ce brusque : accroissement des dépenses, mais la dépense d’économies et la frappe de nouvelles pièces devaient représenter un grand afflux d’argent. En 1798, les réserves d’or et d’argent du bakufu dépassaient un million de ryô, et en 1830, les étaient tombées à 650000 ryô. Cela indique une consommation anormale, que ne pouvait couvrir le revenu ordinaire du bakufu. Par ailleurs, les dépenses du bakufu durant la décennie 1822-1831 laissaient un léger bénéfice, alors que la balance était déficitaire au cours des dix ans précédents. Il est vrai que la chose était due à la manipulation de la monnaie durant ces années-là, avec l’inflation et la montée des prix qui ne pouvaient manquer d’en résulter. Cependant, bien que cette prospérité apparente reposât sur une base économique très peu sûre, elle se prolongea durant quelques années parce qu’il n’y eut pas alors de catastrophes graves pour porter atteinte aux récoltes. Aussi les prix élevés du riz et autres biens de consommation demeurèrent-ils stables, et aucun trouble ne se manifesta dans les marchés susceptibles d’engendrer des émeutes, que ce soit en ville ou à la campagne. L’avenir semblait facile. Le pays entra dans une période de folles dépenses 269 .
Un historien japonais compare la fièvre de plaisirs que vécut cette décennie au fait de danser sur un volcan. A cette fièvre, il y avait peut-être une cause. L’absence de catastrophe et la stabilité des prix ne pouvaient qu’engendrer un sentiment de confiance. C’était comme une brève éclaircie. Les villes étaient tranquilles, les campagnes se plaignaient rarement. En fait, bien des paysans profitaient de l’expansion de l’économie monétaire.
Mais cette conjoncture agréable ne dura pas longtemps. Le volcan explosa du fait que, durant les dernières années du gouvernement de Ienari (1832-1837), de nouveaux désastres commencèrent à se succéder. A la famine et à la maladie répondirent des émeutes citadines et des soulèvements paysans. Le bakufu se retrouva dans une situation précaire.
La situation dans les fiefs
Le système politique édifié par les shôgun Tokugawa ne peut se réduire à la structure du bakufu. Il faut le considérer comme une relation organique entre le shôgun et le fief, relation qui, grâce à l’exercice habile du pouvoir par la famille Tokugawa, devait survivre sans défi grave durant plus de deux siècles.
Le nombre des fiefs s’élevait à environ deux cent soixante, dont deux cents étaient relativement petits, avec des revenus ne dépassant pas 100000 koku. Sur ces deux cents, la moitié avaient un revenu inférieur à 30000 koku et étaient plutôt faibles, ayant du mal à maintenir leur indépendance et à éviter la faillite. Grâce à une prudente administration, quelques-uns réussissaient à s’en sortir, mais la plupart ne pouvaient éviter de s’endetter, et leur faiblesse était cause de bien des mécontentements, qui souvent engendraient des émeutes.
Les grands fiefs n’étaient d’ailleurs pas non plus à l’abri de telles difficultés, car leur endettement était généralement proportionnel à leur taille, et rares étaient ceux dont les ressources pouvaient être développées sans emprunts. En outre, le bakufu traitait les daimyô, et notamment les daimyô fudai, avec un manque de considération marqué, les obligeant souvent à changer de province pour de pseudo-raisons de stratégie politique. Ces déplacements étaient des plus coûteux, comme en témoigne le cas du fief de Himeji, dont Matsudaira Akinori se retrouva le maître en 1741, après avoir dû quitter son fief familial de Shirakawa, dans l’extrême nord, à la suite de diverses réorganisations ordonnées par le bakufu. Déjà endetté, il s’efforça de réunir des fonds à Shirakawa avant de partir. C’était en 1742, et les habitants de son fief s’opposèrent à lui, en sorte qu’il se trouva réduit à l’impuissance ; et quelques années plus tard, après une maigre récolte, ils
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