Histoire du Japon
importés de Chine au cours du ix e siècle devait atteindre un chiffre impressionnant.
Les études confucéennes, qui, au vine siècle déjà, venaient en tête du programme officiel, occupaient donc toujours la première place, tandis que les nouvelles sectes du bouddhisme encourageaient de leur côté l’érudition profane aussi bien que sacrée. Dans divers domaines, le travail effectué par des experts comme les juristes qui commentaient les codes ou les fonctionnaires qui rédigeaient les textes gouvernementaux atteignit un haut niveau professionnel, qui fut maintenu par devoir officiel mais aussi par orgueil familial. Ainsi, les noms de familles des lettrés du ixe siècle tendent à revenir dans les chroniques des générations ultérieures.
Dans une ambiance aussi studieuse, l’élégante société de la cour était portée à suivre, fût-ce à distance respectueuse, la voie tracée par les lettrés les plus sérieux, et à fixer des normes au goût et au comportement des oisifs des deux sexes, dont on attendait désormais qu’ils eussent une certaine connaissance historique de la Chine et pussent ici et là citer à bon escient les chefs-d’œuvre chinois.
Il est clair qu’il y avait dans la capitale une classe de brillants érudits, consacrant à l’étude le meilleur de leur temps. Toutefois, même si l’on prend en compte ses réalisations les plus élevées, on peut difficilement décrire cette société comme intellectuelle au sens le plus strict du terme, car elle paraît avoir manqué de curiosité spéculative. Ainsi, tout méticuleux qu’ils soient dans leur façon de traiter les problèmes juridiques, les juristes ne mêlent pas à leurs commentaires la moindre discussion sur la nature de la justice, et, de manière générale, il est rare que s’expriment une pensée originale, un esprit critique ou un désir de formuler des théories et des principes. Il se peut que le poids des réalisations intellectuelles chinoises ait été écrasant, mais, quelle qu’en soit la raison, les lettrés japonais du ix^ et du x« -* siècle semblent avoir consacré leur activité cérébrale à l’étude de la littérature chinoise sous tous ses aspects ou à l’interprétation des textes bouddhiques, et non à une œuvre créative. Il est possible de voir une exception dans le développement des deux sectes bouddhiques, mais on peut également le considérer comme un travail d’adaptation plutôt que comme la découverte de principes religieux ou métaphysiques nouveaux. A ce stade, la civilisation japonaise ne montre certainement rien de l’originalité, de la stupéfiante invention de la vie chinoise. La différence est très marquée ; elle est aussi nette que la distinction entre le talent et le génie.
Tenter d’en rendre compte est une question à la fois délicate et irritante. Peut-être faut-il chercher un élément de réponse dans la nature même de la langue japonaise, impropre à exprimer des idées abstraites et, de ce fait, tributaire du chinois, auquel la pensée était contrainte de s’adapter. Pour ce qui est de modeler et de diriger le travail de l’esprit, il paraît évident que la terminologie confucéenne et bouddhique joua un rôle déterminant.
Quoi qu’il en soit, s’il est un trait typique de la culture métropolitaine japonaise au IXe siècle, c’est l’attitude du Trône à l’égard du savoir telle qu’elle ressort de l’édit mentionné plus haut. Car lorsqu’il fait l’éloge de la littérature, l’empereur Saga veut dire littérature chinoise, et lorsqu’il prône la culture, c’est de culture chinoise qu’il s’agit. A la cour, l’histoire du Japon n’était considérée ni comme importante ni comme intéressante. L’homme d’État et l’homme de loi devaient connaître les méthodes de gouvernement chinoises, passées et présentes. L’homme de goût et l’homme bien né devait connaître les chefs-d’œuvre chinois, en prose et en vers. Son intérêt pour la poésie chinoise, qui faisait partie de son intérêt pour la littérature de tous les genres, est un autre trait remarquable de la société dirigeante. Il est particulièrement évident sous les empereurs Saga et Junna, car il faut comprendre que toutes les activités littéraires importantes dépendaient de l’approbation et de l’encouragement du souverain ou de son porte-parole. Dans l’histoire dynastique du Japon, si l’empereur fut souvent dépouillé de son
Weitere Kostenlose Bücher