Histoire du Japon
commençassent d’imiter le style des poètes chinois contemporains – les grands de l’époque Tang –, l’influence du Wenxuan persistait. Ses ornements conventionnels et son modèle antithétique continuaient d’être admirés par les hommes de lettres les moins aventureux, et l’on en retrouvait le parfum jusque dans la prose officielle.
CHAPITRE VII
Réaction contre l’influence chinoise
littérature
Une certaine réaction contre l’influence des idées et méthodes chinoises se manifeste dans les révisions des codes administratifs, ainsi que dans le développement d’organes parallèles qui – comme nous l’avons vu 11 – se produisit à la lumière de l’expérience pratique. Il était naturel que, en matière de gouvernement, les Japonais voulussent résoudre leurs propres problèmes selon des méthodes qui étaient les leurs, et sans mettre à trop rude épreuve les habitudes sociales traditionnelles qui ne pouvaient être changées par proclamation ou décret. Ils ne se coupèrent pas volontairement de l’influence chinoise, mais un sentiment d’indépendance se développa tandis qu’ils digéraient et assimilaient les connaissances que leurs échanges avec le continent leur avaient apportées. Cette tendance se manifeste clairement à travers l’histoire des missions officielles en Chine. La première eut lieu sous la conduite d’Ono no Imoko, qui se rendit sur le continent (dans la capitale de l’empereur Sui) en 607. Elles se poursuivirent assez régulièrement jusqu’en 838, où un fonctionnaire (Ono Takamura) refusa de prendre la tête de la mission qui devait partir. On aimait de moins en moins ces traversées, qui étaient toujours difficiles et souvent dangereuses, au point que les poèmes du Manyöshü contiennent maintes allusions aux périls que les envoyés devaient affronter, et maintes prières pour leur heureux retour. Il est clair qu’en 838, on avait commencé à mettre en question la nécessité de ces échanges officiels. La mission de cette année-là revint l’année suivante, et Takamura, qu’on avait exilé pour le punir, fut autorisé à revenir dans la capitale. A partir de cette date, les missions cessèrent jusqu’en 894, où le nouvel ambassadeur choisi (Sugawara Michizane, homme de lettres célèbre comptant parmi les grands ministres) demanda à être excusé parce que les conditions qui régnaient en Chine étaient très perturbées. En effet, la dynastie Tang était sur le déclin, et son effondrement se produisit en 907.
Il y avait ainsi de bonnes raisons politiques d’interrompre les relations officielles, d’autant que les échanges de visites privées, de moines, de lettrés et de marchands, se poursuivaient. Mais les motifs d’ordre politique n’étaient pas les seuls pour lesquels les Japonais souhaitaient se libérer de l’emprise chinoise en matière de savoir, de pensée et de goût. Leur propre culture – grâce, bien sûr, à l’exemple chinois – prenait désormais forme et gagnait en substance. Elle tirait son caractère propre d’éléments d’emprunt combinés à des éléments indigènes. C’est peut-être la littérature qui offre la meilleure illustration de ce processus. Les études chinoises ne perdaient rien de leur importance, car le chinois restait la clé de tous les trésors du savoir laïc et sacré. Mais la mode littéraire changeait, et peu après la parution des trois anthologies poétiques en chinois patronnées par l’empereur, la haute société se mit à apprécier la poésie écrite en japonais.
Il y avait à cette évolution des raisons pratiques aussi bien qu’artistiques. Représenter les sons japonais par des caractères chinois étaient très incommode, car il fallait souvent un caractère de plusieurs traits pour transcrire une seule syllabe. Grâce à une heureuse invention – simple, comme tant de précieuses formules –, les Japonais mirent au point un syllabaire facile et pratique en abrégeant les caractères chinois choisis pour représenter les sons japonais. Ce syllabaire, dont la forme cursive est connue sous le nom de « hiragana », offrait la possibilité d’écrire le japonais d’une main rapide dans une écriture qui était à la fois intelligible et plaisante à l’œil. La littérature japonaise y trouva un stimulant tout à fait remarquable. Ceux qui n’avaient pas une grande connaissance du chinois, et notamment les femmes, dont l’éducation n’était pas censée
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