Histoire du Japon
parmi les nobles et les hauts fonctionnaires de la cour. Cette tendance fut favorisée par l’histoire de la première partie du ix e siècle, qui fut suffisamment paisible et pauvre en événements pour encourager les arts de la paix.
Le tableau dynastique de la période est le suivant :
Saga 809-823 abdiqua en faveur d’un jeune frère Junna 823-833 abdiqua à quarante-huit ans Nimmyô 833-850 mourut en 850 Montoku 850-858 mourut en 858
Seiwa 858 monta sur le trône à l’âge de neuf ans ; le ministre Fujiwara Yoshifusa gouverna au titre de régent (sesshô), bien qu’il ne fût officiellement nommé qu’en 866
Avec l’intronisation de l’empereur Saga et l’échec de la conspiration malavisée dirigée contre lui en 810, les querelles dynastiques connurent une accalmie, et, pendant les prochaines deux ou trois décennies, le souverain put gouverner hors de la contrainte de grands nobles comme les Fujiwara, qui se contentèrent d’une place relativement modeste de conseillers.
Quelques mesures de réforme furent tentées, qui visaient essentiellement à soulager les contribuables de leurs charges excessives et à redresser les abus du gouvernement local. Elles n’eurent qu’un succès modéré, car le courant allait violemment à l’encontre d’une intervention administrative dans les affaires des magnats régionaux ; et, quoiqu’elle attestât un esprit de réforme et traduisît le progrès des études juridiques, on ne peut dire que la prudente révision de la loi que représentaient les kyaku et shiki entraîna des changements réellement bénéfiques dans la situation agraire.
Peut-être, plus encore que par l’ordre donné en 811 par l’empereur Saga de réduire le taux d’intérêt des emprunts de riz, la note dominante de l’histoire politique de cette période est-elle fournie par sa déclaration de 813, selon laquelle la qualité d’un gouvernement dépendait de la littérature et le progrès dépendait du savoir. C’est en vertu de ces principes, tous deux originaires de Chine, que l’atmosphère de la société de Heian devint de plus en plus chinoise.
A ce point de l’évolution de la vie japonaise apparaît un contraste intéressant entre la tendance de la société courtisane, toujours plus encline à suivre les exemples chinois en matière de comportement et de goût littéraire, et celle de la pratique politique, qui visait de plus en plus à modifier et même à rejeter les modèles administratifs exposés dans le code des Tang. Il nous faudra examiner les raisons de cette apparente contradiction ; mais, pour l’instant, nous pouvons nous limiter à l’étude de la scène métropolitaine telle qu’elle apparaît au commencement du ixe siècle, une génération après le départ de Nara.
Les études chinoises jouissaient d’un prestige immense. La chose était d’ailleurs assez naturelle étant donné que le Japon n’avait pratiquement pas de littérature à lui, hormis les remarquables poèmes du Manyöshü, laborieusement traduits en caractères chinois employés comme symboles phonétiques, et quelques autres bribes de folklore en vers ou en prose. On a déjà noté l’importance des études classiques, c’est-à-dire des études chinoises, dans le système d’éducation prescrit par le code de 702 ; et on a vu comment la classe dirigeante adopta les idées politiques et philosophiques de la Chine qu’exprimaient la doctrine confucéenne et l’interprétation yin-yang des phénomènes. Dans le Japon du ix^ siècle, l’érudition pure progressa à pas de géant, et les noms de maints grands hommes de lettres figurent dans les chroniques d’alors, parmi lesquels des personnages aussi fameux que Miyoshi Kiyotsura, imprégné de culture classique, ou que Shigeno Sadanushi, juriste et encyclopédiste – pour ne rien dire des abbés et des moines lettrés comme Saichô et Kûkai, aussi familiers de la littérature profane chinoise que des versions chinoises des écrits bouddhiques. Entre autres ouvrages célèbres, Kûkai écrivit un traité intitulé Bunkyô hifuron, qui est une étude de la prosodie chinoise ancienne (pré-Tang) basée sur les opinions de critiques chinois.
En 890, un catalogue fut dressé sous le titre de Nihon gensaisho moku-roku, Liste des livres à présent au Japon. Il mentionne 1579 titres et 16790 volumes. En 875, un incendie avait ravagé le palais et détruit de nombreux ouvrages, si bien que le nombre total des livres
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