Histoire Romaine
pastorale : elle
rattache, non sans raison, à ce grand fait la législation primitive de la
contrée. Il faut attribuer le même sens à une autre légende ayant cours chez
les Samnites : « Le bœuf de labour a conduit, disent-ils , les
premières colonies ; » enfin on trouve dans les plus anciennes
dénominations du peuple italiote celles des Siculi ou des Sicani (faucilleurs),
celles des Opsci (travailleurs des champs). La légende des origines romaines
est donc en contradiction avec les données de la légende commune, lorsqu’elle
attribue, la fondation de Rome à un peuple de pasteurs et de chasseurs : la
tradition et les croyances, les lois et les mœurs, tout fait voir dans les
Helléno-Italiens une famille essentiellement agricole [18] .
De même qu’ils possèdent en commun les procédés, de la
culture rurale, les deux peuples mesurent et limitent les champs selon les
mêmes règles : on ne conçoit pas en effet le travail de la terre sans un
arpentage, si grossier qu’il soit. Le vorsus , de cent pieds au carré, des
Osques et des Ombriens, répond exactement au pléthron des Grecs. Le
géomètre s’oriente vers l’un des points cardinaux : il tire deux lignes, l’une
du nord au midi, l’autre de l’est à l’ouest : il se place au point de rencontre
( templum, τέμενος , de τέμνω ) ;
puis, de distance en distance, il trace des lignes parallèles aux
perpendiculaires principales, couvrant ainsi le sol d’une multitude de rectangles,
délimités par des pieux ou pieds corniers ( termini , τέρμονες dans les inscriptions siciliennes ; όροι dans
la langue usuelle). Ces termes existent aussi en Étrurie, bien qu’ils ne soient
pas d’origine étrusque : les Romains, les Ombriens, les Samnites en font
usage ; on les trouve même jusque dans les anciens documents des Héracléotes
Tarentins ; et certes, ceux-ci ne les ont pas plus empruntés aux Italiens,
que les Italiens aux habitants de Tarente : c’est là une pratique commune
à tous. En revanche, les Romains, ont poussé loin l’application toute, spéciale
et très caractéristique du système rectangulaire : là même où les flots et
la mer viennent former une limite naturelle, ils n’en tiennent pas compte, et
le dernier carré plein de leurs figures planimétriques constitue seul la limite
de la propriété.
L’affinité étroite des Grecs et des Italiens se manifeste
aussi dans les autres détails primitifs de l’activité humaine. La maison
grecque, telle que la décrit Homère, diffère peu de celle que les Italiens ont
de tout temps construite. La pièce principale, celle qui comprenait ordinairement
l’habitation tout entière dans la maison latine, est l’atrium ( chambre
obscure ) avec l’autel domestique, le lit conjugal, la table des repas et le
foyer. Or l’atrium c’est aussi le mégaron d’Homère, également pourvu de son
autel, de son foyer, et recouvert de son toit enfume. En matière de navigation,
les mêmes rapprochements ne sont plus possibles. Le canot à rames est bien d’origine
indo-germaine : mais on ne saurait soutenir que l’invention de la voile se
rapporte à l’époque gréco-italique : le vocabulaire de la mer ne contient
pas de mots qui n’étant pas indo-germains, soient, d’un autre côté, propres et
communs tout à la fois aux seuls Italo-grecs. Les paysans dînaient tous
ensemble au milieu du jour, et cet antique usage se rattachant au mythe de l’introduction
de l’agriculture, a été comparé par Aristote aux syssitiès crétoises : de
même aussi les premiers Romains, les Crétois et les Laconiens mangeaient assis,
et non couchés sur un lit, comme ils l’ont fait plus tard. Le feu allumé par le
frottement de deux morceaux de bois d’essences différentes, a été dans la
pratique commune de tous les peuples ; mais le hasard n’a certes pas fait
que les Grecs et les Italiens aient employé les mêmes mots pour désigner le trépan
( τρύπανον, terebra ) et le
plateau ( στόρευς, έσχάρα,
tabula , qui vient de tendere , ou τέταμαι ),
les deux instruments producteurs du feu. Le vêtement est identique aussi chez
les deux peuples : la tunique ( tunica ) n’est autre que le chitôn des Grecs : la toge n’est aussi que leur himation à plis plus amples et il
n’est pas jusqu’aux armes, sujettes à tant de changements selon le pays, qui ne
se ressemblent chez eux. Ils ont du moins pour principales armes
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