Histoire Romaine
offensives, l’arc
et le javelot : d’où, chez les Romains les noms donnés à ceux qui les
portent : quirites , samnites , pilumni , arquites [19] : il est
vrai de dire aussi qu’alors, on ne combattait guère de près.
Ainsi donc, dans la langue et les usages des Grecs et des
peuples italiques, tout ce qui se rattache aux bases matérielles de l’existence
humaine trouve une commune et élémentaire expression : et les deux peuples
vivaient encore dans le sein d’une société unique, quand il leur a été donné de
franchir ensemble les premières étapes de la condition terrestre.
Dans le domaine de la culture intellectuelle, la scène
change.
L’homme doit vivre en harmonieuse entente avec lui-même, avec
son semblable, avec le monde qui l’entoure : mais la solution de ce
problème peut varier autant de fois qu’il y a de provinces dans l’empire de
notre Père céleste ; et le caractère et le génie des peuples et des
individus se diversifient surtout dans l’ordre moral. Durant la période
gréco-italique, les oppositions ne pouvaient encore se faire jour : elles
n’avaient alors point de cause : mais à peine la séparation a-t-elle eu
lieu, qu’on voit se manifester un contraste profond, dont les effets se sont
perpétués jusqu’à nos jours. Famille et état, religion, beaux-arts, se
développent et progressent chez, l’un et l’autre peuple, dans un sens
éminemment national et propre à chacun d’eux : et il faut à l’historien
une clairvoyance grande parfois, pour retrouver le germe commun sous la végétation
puissante qu’il a devant les yeux. Les Grecs tendent à sacrifier l’intérêt
général à l’individu ; la nation à la commune ; la commune au citoyen :
leur idéal dans la vie, c’est le culte du beau et du bien-être, souvent même la
jouissance du doux loisir : leur système politique consiste à approfondir
chaque jour au profit du canton ou de la tribu, le fossé séparatif du
particularisme primitif ; à dissoudre même dans chaque localité tous les
éléments du pouvoir municipal. Dans la religion ils font des hommes de leurs
dieux ; puis bientôt ils les nient : ils laissent à l’enfant toujours
nu le libre jeu de ses membres : à la pensée humaine l’indépendance
absolue d’un essor majestueux, parfois même effrayant. Les Romains au contraire
garrottent le fils dans la crainte du père, le citoyen dans la crainte du chef
de l’État, et eux tous dans la crainte des dieux ; ils ne veulent rien, n’honorent
rien que les actes qui sont utiles. Pour le citoyen, tous les instants de sa
courte vie doivent être remplis par un travail sans relâche. Chez les Romains, dès
le plus bas âge, d’amples vêtements doivent voiler et protéger la chasteté du
corps ; c’est être mauvais citoyen que de vouloir vivre autrement que tous
les citoyens. Chez eux enfin l’État est tout, et la seule haute pensée permise,
est celle de l’agrandissement de l’État. Certes, il est difficile, après tant
de contrastes, de remonter jusqu’aux souvenirs de l’unité primitive, où les
deux peuples un instant confondus avaient puisé les éléments de leur
civilisation postérieure. Bien téméraire serait celui qui essayerait de lever
ces voiles. Nous esquisserons pourtant en quelques mots les commencements de la
nationalité italique, et les traits par où elle se rattache à l’époque plus
ancienne ; non point tant pour abonder dans les idées préconçues du
lecteur, que pour lui montrer du doigt la direction à suivre.
L’élément patriarcal dans l’État, ou ce qui peut s’appeler
de ce nom, repose en Grèce et en Italie sur les mêmes fondements. Et tout d’abord,
le régime conjugal est institué selon les règles de l’honnête et de la loi morale [20] . La monogamie est
prescrite au mari : l’adultère de la femme est puni sévèrement. La mère de
famille a autorité dans l’intérieur de la maison : ce qui atteste à la
fois l’égalité de la naissance chez les deux époux, et la sainteté du lien qui
les associe. Mais aussitôt, l’Italie se sépare de la Grèce en conférant à la
puissance maritale, et surtout à la puissance paternelle, des attributions
absolues et indépendantes de toute acception de personnes : la subordination
morale de la famille se transforme en un véritable servage légal. De même chez les
Romains, l’esclave n’a pas de droits, conséquence naturelle de l’état de servitude,
et qui
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