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Hitler m'a dit

Hitler m'a dit

Titel: Hitler m'a dit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hermann Rauschning
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premières semaines et des premiers mois après la prise du pouvoir. « Je passe bien des choses à mes gens », disait souvent Hitler à ses déjeuners. « Faites ce que vous voulez, mais ne vous faites pas prendre. » C’était Hitler lui-même qui délibérément poussait ses amis à la curée. Ils ne se le faisaient d’ailleurs pas dire deux fois. C’est à cette époque que j’ai entendu le slogan nouveau de la « corruption dirigée ». Elle était évidemment concertée, cette corruption, elle n’était pas seulement tolérée. Il y avait même des gens qui espéraient que le national-socialisme en mourrait bientôt. Mais Hitler savait qu’il était bien obligé de jeter aux affamés des os à ronger, de satisfaire autre chose que les instincts de sauvagerie. Après les coups durs, des positions tranquilles ; à défaut d’une véritable révolution, au moins les avantages d’une révolution : la voie libre pour la foire d’empoigne.
    Il n’est certes pas nouveau dans le monde qu’une révolution dise à ses enfants : Enrichissez-vous. Mais les nazis s'emplissaient les poches à une allure si scandaleuse qu’on n’arrivait plus à suivre la cadence du pillage. Une, deux, quatre villas, des maisons de campagne, des palais, des colliers de perles, des tapis d’Orient, des tableaux de prix, des meubles anciens, des douzaines d’automobiles, le champagne, les domaines agraires, les fermes, les usines. D’où venait l’argent ? Est-ce que naguère ces gens n’étaient pas tous pauvres comme des rats d’église ? N’avaient-ils pas autant de dettes qu’un lieutenant de la Garde ? Ils cumulaient trois, six, douze Places à la fois, et n’en avaient jamais assez. Des offices de toutes sortes, des sièges dans les conseils d’administration, des dividendes, des avances, des gratifications, out le monde se mettait à leur disposition. Chaque banque, chaque grosse affaire voulait avoir son militant du Parti comme protecteur salarié.
    Pendant ce temps, le Führer renonçait à son traitent de Chancelier. Il donnait, lui, le bon exemple. Il avait d’ailleurs besoin de rien. En une nuit, il était devenu l’éditeur le plus riche du monde, cousu de millions, l’auteur le plus lu, le plus obligatoirement lu. Il pouvait s’offrir le luxe de blâmer Goering et son train de vie extravagant : mercuriales pour la frime, destinées à calmer les scrupules de certains milieux. « Hitler s’attristait beaucoup, beaucoup de la conduite de Goering », me disait alors Forster. « Il faut absolument que nous tenions nos engagements : pas de salaire mensuel supérieur à mille marks. »
    Forster avait beau jeu à parler ainsi. Il occupait lui-même cinq fonctions grassement payées et son revenu représentait au moins douze fois les mille marks en question. Au bout de quelques mois, il était devenu propriétaire de plusieurs immeubles à Dantzig, alors que deux ans plus tôt, il était arrivé sans un sou.
    À Berlin, il en allait de même. Un ministre du nouveau gouvernement se fit payer un mobilier de quatre-vingt-dix mille marks aux frais de l’État, ainsi que me le fit savoir avec indignation un fonctionnaire du ministère des Finances. Goering faisait carreler la salle de bains d’une de ses nombreuses habitations officielles avec des plaques d’or massif. Et Hitler donnait l’ordre aux contrôleurs des Finances, sans s’inquiéter de leurs réclamations, de payer à tous les nouveaux Statthalter des traitements inouïs pour les fonctionnaires des régimes antérieurs. Les Finances payaient. Quant à l’homme de la rue, il voyait la multitude des automobiles de luxe devant les bâtiments officiels et murmurait : « Les nouveaux bonzes vont fort. »
    Cette gabegie ne gênait Hitler en aucune manière ; il disait tout crûment ce qu’il en pensait. Il ne faut pas croire un instant qu’il se contentait de tolérer ces agissements, ou qu’il les ignorait. J’étais un jour présent à une « conférence des Führer » dans l’ancienne Chambre des Seigneurs de Prusse. Hitler y développa le programme de son action politique prochaine. Son expose n’avait rien de très intéressant. Mais, après la séance, il parla librement dans une réunion plus intime. De sa voix désagréable et gutturale, il dit qu’on lui reprochait d’engager des poursuites injustes pour corruption contre les anciens dirigeants et leurs complices, alors que ses propres créatures se remplissaient

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