Hitler m'a dit
les poches. « J’ai répondu aux imbéciles qui se permettaient un tel langage de m’indiquer par quel moyen je pourrais accorder à mes camarades du parti les justes indemnités qu’ils réclamaient légitimement après avoir soutenu pendant de longues années la lutte la plus épuisante. Je leur ai demandé s’ils auraient préféré que je livre la rue à mes S.A. Je pouvais d’ailleurs le faire encore. S’ils jugeaient que ce serait mieux, il était encore temps d’offrir au peuple allemand un vrai bain de sang pendant plusieurs semaines. Si je m’étais opposé au massacre dans les rues, c’était justement par égard pour les crétins de leur espèce et pour leur confort bourgeois. Mais ils n’avaient qu’à parler. Vous pensez bien qu’ils se sont tus immédiatement et ont ravalé leurs reproches ridicules. » Hitler éclata de rire. – « Il est utile de faire peur à ces gens-là de temps en temps, de leur donner la chair de poule. Quant à mes camarades du parti, ils ont une créance sur moi. Après tout, ils ont lutté pour sortir non seulement de la misère nationale, mais aussi de leur misère personnelle. Il serait grotesque de ne pas le dire ouvertement. C’est mon devoir de bon camarade, de veiller à ce que chacun ait maintenant un revenu convenable. Mes lutteurs des anciens jours l’ont bien mérite. Et si nous contribuons à la grandeur de l’Allemagne, nous avons aussi le droit de songer un peu à nous. Nous n’avons pas à nous soucier des conceptions bourgeoises d’honneur et de réputation. Que ces messieurs se le tiennent pour dit : nous faisons au grand jour et sans aucun scrupule de conscience ce qu’eux-mêmes faisaient secrètement et avec des remords. » Hitler commença à s’indigner et à hurler. « – Pensaient-ils, par hasard, tous ces bourgeois, que nous allions les sortir du pétrin qu’ils nous renverraient ensuite chez nous les mains vides ? Trop commode, Messieurs !
Comment puis-je assurer notre pouvoir si je n’accapare pas toutes les places ? Ils peuvent s’estimer heureux que nous ne fassions pas comme en Russie où ou les aurait fusillés depuis longtemps. »
Telle était la « corruption voulue et dirigée ». Mais Hitler avait encore une arrière-pensée. Il savait que rien n’attache les gens plus solidement que les crimes commis en commun. J’ai appris par la suite que l’on mettait à la raison les membres suspects du parti en exigeant d’eux dans l’intérêt du parti, des actes qui tombaient sous le coup de la loi. Ensuite on les tenait mieux. On obtenait un résultat identique, mais d’une façon plus agréable, en les conviant au pillage qu’ils attendaient depuis si longtemps. La solidarité de l’élite du parti n’était rien d’autre qu’une complicité. Chacun était tenu par chacun. Personne n’était plus son propre maître. Et voilà quels étaient le sens et le but secrets du mot d’ordre : « Enrichissez-vous ! »
Au surplus, dès cette époque et bien avant certaines révélations récentes, il courait déjà des bruits parfaitement fondés sur les précautions prises par les membres dirigeants du parti. Chacun d’eux, sans exception, faisait continuellement passer de l’argent à l’étranger, de façon à se constituer une grosse réserve pour toutes les éventualités. À côté de l’argent, il y avait le plus souvent, dans un coffre-fort ou chez quelque notaire, un dossier bourré de documents accablants, dont la publication aurait été terrible pour nombre de personnalités importantes du national-socialisme. Ces dossiers étaient expressément établis comme une protection pour les dépositaires contre l’hostilité d’autres chefs du parti ou l’intervention des autorités. On voit donc que les méthodes employées étaient exactement celles des gangsters. Tous les chefs du parti, sans exception, assuraient ainsi non seulement leur avenir après la chute du régime, mais déjà leur existence présente et la stabilité de leur position. On ne saurait exagérer l’ampleur de cette vague de corruption qui envahit brusquement et irrésistiblement toute l’Allemagne.
Un Gauleiter, dont je ne veux pas citer le nom, car il a appartenu au nombre des gens honnêtes du parti (et comme tel, il est possible qu’il joue encore un rôle important après la chute du régime) m’a avoué sans ambages qu’il avait dû lui-même se protéger en usant de ces méthodes. Il n’avait pas de choix.
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