Hitler m'a dit
semblait pas avoir de signification pratique et je répondis, avec quelque hésitation, que l’attitude de la Pologne serait certainement fonction de la mesure dans laquelle la détente aurait permis d’arriver à une communauté d’intérêts et à une collaboration politique entre Berlin et Varsovie. En même temps, je demandai à Hitler de considérer que nous sortions à peine d’une période critique au cours de laquelle on avais pu redouter une guerre préventive, que la situation nouvelle avait besoin d’être consolidée et que, dans ces conditions, il était impossible de donner une réponse immédiate à la question qu’il venait de poser. Je crus pouvoir ajouter que, tout au moins dans l’entourage du maréchal polonais, on semblait porté à situer les objectifs de la Pologne à l’Est et au Nord-Est plutôt qu’à l’Ouest.
Hitler en tomba d’accord avec moi. « Mais l’Autriche ? Quelle attitude prendra la Pologne si j’impose l’Anschluss ? » Je lui dis qu’à mon sens, la Pologne verrait dans tous les cas sans déplaisir l’expansion allemande se détourner le plus longtemps possible du territoire polonais. C’est du moins ce qu’on m’avait fait entendre à Varsovie sans que je puisse trancher s’il y avait, dans les intentions polonaises, uns simple manœuvre dilatoire ou des desseins de plus longue portée. Quoi qu’il en fût, au mois de juillet de l’année précédente, on m’avait posé cette question captieuse : Pourquoi pas le Drang nach Westen au lieu du Drang nach Osten ? À l’Ouest, il y avait des nations vieillissantes tandis que les peuples de l’Est étaient en pleine croissance. La densité de la population dans les territoires de la Pologne occidentale était sensiblement plus forte que celle des régions orientales de l’Allemagne.
— « C’est exact, répondit Hitler. Si je faisais la conquête de territoires slaves, j’exposerais le peuple allemand au danger d’être, avec le temps, submergé par les foules slaves et réduit en esclavage. » Il fit quelques pas de long en large, plongé dans ses réflexions. Je saisis l’occasion pour esquisser rapidement les grandes lignes d’une politique possible de l’Est. En particulier, je suggérai de ne pas insister sur les questions de frontières et de tisser, par-dessus ces frontières, grâce à des relations économiques et politiques intensément développées, une communauté d’intérêts des pays de l’Europe centrale et du Sud-Est, qui, progressivement, pourrait se transformer sans guerre en une sorte de fédération. Je me permis de lui faire remarquer qu’en faisant une telle politique d’expansion pacifique, l’Allemagne avait une chance de se concilier l’appui de la Grande-Bretagne et que les perspectives d’une telle politique semblaient favorables, même dans d’autres pays que la Pologne. Une Allemagne qui déclarerait s’en tenir à ses intérêts nationaux pouvait avoir de larges perspectives d’avenir si, au lieu de persister dans une politique de révision territoriale, elle s’orientait vers une politique pacifique de coopération. Au cours de ma conversation avec le maréchal Pilsudski, j’avais cru discerner le désir positif d’une entente durable avec le Reich.
Hitler m’avait laissé parler. Je ne sais pas s’il m’avait vraiment écouté. Brusquement il m’interrompit : « Naturellement, je préférerais faire ma politique de l’Est avec la Pologne, plutôt que contre la Pologne. » Il se recueillit. « En tout état de cause, reprit-il au bout d’un instant, je donnerai une chance aux Polonais. Il y a chez eux des gens qui me paraissent animés d’un esprit réaliste et qui font aussi peu de cas des démocraties que nous-mêmes. Mais il faudra que ces Messieurs fassent preuve de largeur d’esprit. Dans ce cas je pourrai être large à mon tour. »
Hitler me demanda, ensuite, si la Pologne consentirait à échanger certains territoires avec l’Allemagne. Je lui répondis qu’il ne pouvait être question d’inaugurer la politique polonaise avec de pareilles revendications. Elles pourraient en être l’aboutissement. Mais Hitler avait déjà dépassé sa propre question : « La lutte contre Versailles, dit-il, est le moyen, mais non le but de ma politique. Vous pensez bien que les anciennes frontières du Reich ne m’intéressent pas. La restauration de l’Allemagne d’avant la guerre n’est pas une tâche suffisante pour justifier
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