Hitler m'a dit
notre révolution. »
— « Songez-vous à vous allier à la Pologne pour attaquer la Russie ? » demandai-je.
— « Peut-être. »
— « C’est ce que j’ai cru pouvoir déduire de ce que vous disiez de nos anciennes frontières. »
— « La Russie des Soviets est un gros morceau à avaler. Ce n’est pas par là que je pourrai commencer. »
J’observai que si l’on pouvait amener la Pologne à rétrocéder des territoires à l’Ouest contre des compensations à l’Est, il fallait que ces derniers eussent une valeur suffisante aux yeux des Polonais. La Pologne ne se contenterait sûrement pas de territoires en Russie blanche. Il faudrait, sans aucun doute, lui donner un débouché sur la mer du Nord et un accès à la mer Noire.
— « En tout cas, ils ne toucheront pas à l’Ukraine. Il faut que ces Messieurs en fassent leur deuil. »
Il était peut-être un peu tôt, répondis-je, pour partager avec les Polonais la peau de l’ours. Il fallait d’abord voir si une collaboration quelconque était possible et jusqu’où l’on pouvait la pousser. Je ne doutais pas qu’il y eût en Pologne comme en Allemagne, un puissant intérêt à rejeter la Russie des Soviets hors d’Europe. Mais, je craignais qu’il n’y eût à Varsovie qu’une compréhension insuffisante pour la politique germano-ukrainienne. Pendant mon premier séjour dans la capitale polonaise, on m’avait déjà donné à comprendre qu’il serait bon d’abandonner les idées de Rosenberg sur une Ukraine contrôlée par l’Allemagne. Si la Pologne devait renoncer à certains intérêts à l’Ouest, j’imaginais assez bien qu’elle voudrait réaliser ses propres prétentions sur l’Ukraine, sur la Lituanie et peut-être aussi sur la Lettonie. Il ne s’agissait pas, en l’occurrence, d’aspirations romantiques, mais de tendances réalistes basées sur la géographie : un grand empire polonais s’étendant de la mer du Nord à la mer Noire, de Riga à Kiev, tel était l’avenir national que les hommes d’État polonais devaient nécessairement se représenter.
— « Je ne puis admettre aucune puissance militaire à nos frontières, protesta Hitler, je ne puis voisiner avec une grande Pologne impérialiste. Quel intérêt aurais-je alors à faire la guerre à la Russie ? »
— « Dans ce cas, répliquai-je, nous arriverons difficilement à convaincre la Pologne de céder des territoires à l’Ouest. »
— « Eh bien, elle les cédera de gré ou de force. J’aurai toujours les moyens de contraindre la Pologne à rester neutre. Il me restera toujours, elle le sait, la ressource d’un nouveau partage. »
Je lui demandai ce qu’il entendait par là.
— « Toutes les conventions passées avec la Pologne n’ont qu’une valeur provisoire. Je ne pense pas un seul instant à m’entendre sérieusement avec les Polonais. Je n’ai pas besoin de partager avec aucune autre puissance. Je pourrai, quand je le voudrai, arriver à un accord avec les Soviets. Je peux dépecer la Pologne quand et comme bon me semblera. Mais je ne le veux pas. Ce a me coûterait trop cher. Si je peux l’éviter, je ne le ferai pas. Je n’ai besoin de la Pologne qu’aussi longtemps que je puis être menacé à l’Ouest. »
— « Avez-vous sérieusement l’intention de marcher contre l’Ouest ? »
Hitler, qui se promenait de long en large, s’arrêta « Et pourquoi armons-nous donc ? » Je fis alors remarquer qu’il se formerait aussitôt, sans aucun doute possible, une coalition à laquelle l’Allemagne serait hors d’état de résister.
— « Ce sera précisément ma tâche d’empêcher cette coalition, et d’avancer pas à pas de telle sorte que personne n’arrête notre ascension. Comment y arriverai-je ? Je ne le sais pas encore aujourd’hui. Mais j’y arriverai. La certitude m’en est donnée par l’indécision de l’Angleterre et par les déchirements intérieurs de la France. » Hitler se lança de nouveau dans le chapitre qui lui était familier du pacifisme, en Angleterre et en France. Comme j’ai eu l’occasion de le vérifier plus tard à différentes reprises, rien n’a jamais pu lui enlever cette idée que l’Angleterre était absolument incapable de refaire une guerre, et que la France, malgré son excellente armée, serait empêchée par des troubles intérieurs et des conflits politiques qu’il serait toujours facile d’alimenter, de se servir de cette
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