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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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bon état se mirent à tirailler d’une manière décousue dans la direction des lointains éclairs. Personne n’osait tirer trop rapidement ; même les meilleurs de nos fusils avaient une disposition à s’enrayer s’ils chauffaient trop. Nous étions seize environ à l’intérieur du parapet, en comptant un ou deux blessés. Un certain nombre de blessés, Anglais et Espagnols, gisaient à l’extérieur. Patrick O’Hara, un Irlandais de Belfast qui avait un peu la pratique des premiers soins à donner, pansait les blessés, faisant la navette pour venir chercher des paquets de pansements, et, naturellement, chaque fois qu’il revenait vers le parapet on lui tirait dessus, bien qu’il hurlât sur un ton indigné « P.O.U.M. ! »
    Nous commençâmes à inspecter la position. Il y avait çà et là plusieurs morts qui gisaient mais je ne m’arrêtai pas à les examiner. Ce que je cherchais c’était la mitrailleuse. Pendant tout le temps que nous avions passé à plat ventre à l’extérieur du parapet, je n’avais cessé de me demander vaguement pourquoi donc elle ne tirait pas. Je projetai le faisceau lumineux de ma lampe électrique à l’intérieur du nid de mitrailleuse. Cruelle déception ! La mitrailleuse n’y était pas. Le trépied, plusieurs caisses de munitions et des pièces détachées se trouvaient encore là, mais la mitrailleuse, elle, avait disparu. Ils devaient l’avoir dévissée et emportée dès la première alerte. Sans doute n’avaient-ils fait qu’exécuter des ordres, mais c’était stupide et lâche d’avoir fait cela, car s’ils avaient laissé en place la mitrailleuse, il leur eût été parfaitement possible de nous massacrer jusqu’au dernier. Nous étions furieux. Nous avions à cœur de nous emparer d’une mitrailleuse.
    Nous furetâmes dans tous les coins, mais ne trouvâmes que des choses n’ayant guère de valeur. Çà et là traînaient, en quantité, des bombes fascistes – un type de bombe passablement inférieur, que l’on faisait exploser en tirant un cordon – et j’en mis une paire dans ma poche comme souvenirs. On ne pouvait pas ne pas être frappé par le dénuement et la misère des cagnas fascistes. Le fouillis de vêtements de rechange, de livres, de victuailles, de petits objets personnels que l’on voyait dans nos propres cagnas en était complètement absent ; ces pauvres conscrits non payés semblaient ne posséder que des couvertures et quelques quignons de pain mal cuit. Tout à fait à l’extrémité de la position se trouvait un petit abri qui était construit en partie au-dessus du sol et pourvu d’une minuscule fenêtre. Nous projetâmes le faisceau de lumière de la torche électrique à travers la fenêtre et aussitôt nous poussâmes un hourra. Il y avait, appuyé contre le mur, dans un étui en cuir, un objet cylindrique de quatre pieds de haut et de six pouces de diamètre. De toute évidence le canon de la mitrailleuse ! Précipitamment nous fîmes le tour de la cagna, cherchant la porte, et nous entrâmes pour découvrir que l’objet enfermé dans l’étui de cuir n’était pas une mitrailleuse, mais quelque chose qui, dans notre armée dépourvue de matériel de campagne, était encore plus précieux. C’était une énorme longue-vue, dont le pouvoir de grossissement devait probablement être au moins de soixante ou soixante-dix fois, avec un pied pliant. C’est bien simple, une longue-vue semblable, il n’en existait pas sur le front de notre côté et on en avait un très grand besoin. Nous la portâmes dehors en triomphe et l’appuyâmes contre le parapet, avec l’intention de l’emporter plus tard.
    À ce moment précis, quelqu’un cria que les fascistes étaient en train de nous cerner. Il est certain que le fracas de la fusillade était devenu beaucoup plus intense. Mais, de toute évidence, les fascistes n’allaient pas contre-attaquer de la droite, ce qui les aurait obligés à traverser le no man’s land et à donner l’assaut à leur propre parapet. S’ils avaient le moindre bon sens, ils allaient nous tomber dessus en nous prenant à revers. En contournant les abris, je me rendis de l’autre côté. La position avait à peu près la forme d’un fer à cheval, les abris étant au centre, si bien que nous étions couverts sur la gauche par un autre parapet. De cette direction venait un feu nourri, mais ce n’était pas ce qu’il y avait de grave. Le point faible était tout à fait de

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