Iacobus
calme aux maigres choix qui s’offraient à moi.
— Ne vous inquiétez pas, ajouta frère
Ferrando. Vous aurez une escorte permanente de chevaliers de notre ordre que je
dirigerai. Vous me rendrez des comptes comme vous le faisiez avec le regretté
comte Le Mans. Vous serez bien protégé contre les Templiers.
— Je n’irai nulle part sans la femme et le
garçon.
— Comment ? hurla-t-il, perdant
soudain son calme, qu’avez-vous dit ?
— J’ai dit que je n’irai nulle part et ne
ferai rien sans la femme et le garçon.
— Vous savez que vous serez sévèrement
châtié pour cet acte de désobéissance, frère ?
— Je n’ai pas voulu vous offenser, et vous
non plus frère Valerio, mais je ne peux trouver l’or sans eux. Je suis
incapable de continuer mes recherches tout seul. C’est pour cela que je vous
demande que vous leur permettiez de m’accompagner.
— Vous n’avez pas demandé, frère, vous avez
exigé, et n’ayez aucun doute là-dessus, vous serez sanctionné pour cette faute
par votre supérieur et votre chapitre dès votre retour à Rhodes.
— Vous devez bien peu les apprécier pour
mettre ainsi leur vie en péril, fit remarquer sournoisement Villares.
Non, je ne souhaitais pas les mettre en
péril ; je désirais seulement les faire sortir de Portomarin où ils seraient
sans aucun doute retenus par la force jusqu’à la fin de ma mission pour être
ensuite expédiés dans un lieu inconnu où je ne pourrais pas les retrouver.
L’incapacité de mes supérieurs à trouver l’or sans ma collaboration prouvait
clairement qu’ils ne comptaient pas me lâcher facilement, même si je couchais
avec mille femmes ou désobéissais à tous les voeux et préceptes de la règle
hospitalière.
— Sans eux, je ne peux pas réussir,
insistai-je.
Frère Valerio et son lieutenant échangèrent de
nouveau un regard, mais plus désespéré cette fois. Ils devaient subir autant de
pression que moi et paraissaient aussi préoccupés que je l’étais quelques
minutes auparavant.
— C’est bon, concéda le commandeur. Comment
désirez-vous poursuivre ? Vous voulez reprendre les recherches à partir de
Castrojeriz ?
— Cela ne me paraît pas opportun. C’est
exactement ce que les Templiers attendent que je fasse. Je crois que nous
devrions continuer vers Compostelle, gagner le Grand Pardon, puis retourner sur
nos pas comme de pacifiques Jacquets qui rentrent à la maison avec les
coquilles bien méritées sur leurs chapeaux et les vêtements. Mais il va nous
falloir des déguisements réellement efficaces, très différents de ceux que nous
avons utilisés jusqu’à maintenant, et cela nous demandera un certain temps de
préparation.
— Le temps nous manque, frère, de quoi avez-vous
besoin ?
— Je vous le dirai quand je le saurai.
On nous sépara. On m’interdit de dormir avec
Sara, m’obligeant à passer la nuit à l’intérieur de la forteresse. Elle me
manquait terriblement, mais si je voulais gagner notre futur, un long futur, je
devais me soumettre avec une docilité apparente aux ordres de mes supérieurs.
Frère Valerio disparut dès le lendemain de notre conversation, mais le frère
Ferrando de Cohinos se transforma en mon ombre maudite. Don Pero, quant à lui,
était très gêné. Il était furieux de se voir écarté d’une affaire de cette
importance sur ses propres terres, et c’était de très mauvaise grâce qu’il se
tenait éloigné de nos préparatifs sans oser poser de questions de peur d’une
nouvelle réponse désagréable de la part de frère Ferrando qui l’avait déjà
remis à sa place une fois.
Il nous fallut une bonne semaine pour préparer
nos nouvelles personnalités. Grâce à une mixture de bière, d’excréments de
pigeons, de racines de noyer, de fiel de boeuf et d’infusions de camomille, je
pus teindre de blond mes cheveux et ceux de Jonas, ainsi que nos sourcils. Le
problème était ma barbe qui poussait comme une ombre obscure, trahissant la
teinture, de telle sorte que je devais l’éclaircir avec grand soin tous les
jours. Pour Sara, ce fut plus simple. Sa chevelure blanche s’imprégna
rapidement d’un mélange concocté à partir de bulbes de poireaux. Elle se
transforma en une belle brune à la peau laiteuse et immaculée grâce à la poudre
blanche qui cachait ses taches de rousseur. Elle devait se faire passer pour
une noble dame française qui effectuait le pèlerinage pour la santé de son mari
et
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