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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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vie, protestai-je. Mais bon,
vous avez peut-être raison... Vous détenez peut-être une information de prix.
Allez, prenez. Mais je vous avertis, ce sont mes derniers écus.
    — Allez-y, posez vos questions, dit la
vieille Marie en s’emparant des pièces d’un geste avide.
    Je ne pus m’empêcher de penser que la misère
engendre la misère, et que si cette femme était née dans un milieu distingué,
elle serait peut-être aujourd’hui une dame généreuse et élégante, une mère et
une grand-mère respectée qui, selon toute probabilité, mépriserait l’argent.
    Marie nous raconta qu’environ un mois avant
l’accident, deux paysans libres qui venaient de Rouen et vagabondaient en quête
de travail s’étaient installés dans les environs de Pont-Sainte-Maxence et, à
défaut de mieux, avaient aidé les bûcherons à couper du bois. De temps en
temps, quand l’un des serfs chassait du gibier — « mais ne le répétez pas
car vous savez qu’on n’a pas le droit, nous autres, de tuer les animaux du
roi » —, ils se chargeaient de tanner la peau et d’en tirer des chausses,
des chemises et des étuis à couteaux en cuir. Ces deux paysans qui s’appelaient
Auguste et Félix furent les premiers à voir le cerf, « une bête énorme,
haut comme un cheval, avec un pelage brillant et des bois de douze cors ».
    — Qui d’autre l’a vu ?
    — De qui parlez-vous ?
    — Du cerf, voyons !
    — Je ne sais pas.
    La vieille faisait un effort pour se souvenir.
Elle paraissait intelligente et débrouillarde, mais il est vrai que la faim
rend malin l’individu le plus idiot, pourtant sa vie avait dû être dure et elle
n’avait sans doute pas eu souvent l’occasion d’exercer son intelligence.
    — Écoutez, je crois que oui, mais je n’en
suis pas sûre... Je ne me souviens plus très bien si le fils d’Honoré, un
bûcheron qui vit plus au nord, n’a pas dit qu’il l’avait vu lui aussi ou qu’il
lui avait semblé le voir... Je ne sais plus.
    — Ce n’est pas grave, poursuivez.
    — Auguste et Félix étaient fascinés par
l’animal. Ils l’ont traqué nuit et jour mais n’ont jamais réussi à l’attraper.
Ce n’étaient pas des chasseurs, et en plus ils disaient qu’un si bel animal
méritait de mourir par la main d’un roi. Quand Philippe le Bel se présenta avec
sa suite ce jour-là, Pascal leur parla du cerf et leur conta toutes les
merveilles qu’en disaient les paysans de Rouen.
    — Et le roi se lança alors à la recherche
du cerf aux cors miraculeux.
    — Hi ! hi ! hi ! Vous pensez
bien ! Et il s’est tué.
    — Où se trouvaient Auguste et Félix ce
jour-là ?
    — Ils étaient montés sur cette colline pour
mieux suivre la chasse, dit-elle en indiquant un point sur sa droite d’un doigt
sale et noueux. Là-bas, vous voyez ?
    — Ils étaient armés ?
    — Armés, ces deux-là ? Oh ! non.
Je vous ai dit qu’ils ne chassaient jamais.
    — Mais ils savaient faire des fourreaux
pour les couteaux.
    — Et des très beaux encore ! Je dois
en avoir un dans la maison, vous voulez le voir ?
    — Non, ce n’est pas la peine.
    — Auguste et Félix sont partis juste avec
ce bâton de berger qui leur servait à se frayer un chemin entre les
broussailles.
    — Et les chiens, Marie, pourquoi
n’étaient-ils pas avec le roi quand il fut attaqué par le cerf ?
    — Le roi les avait dépassés.
    — Il allait si vite que ça ?
    — Il volait ! En général, la meute va
toujours devant, indiquant le chemin de la proie, mais le roi avait cru voir le
cerf dans une autre direction et s’était séparé du groupe.
    — Mais sa trompe, pourquoi ne l’a-t-il pas
fait sonner quand il s’est aperçu qu’il était seul ?
    — Il ne l’avait pas sur lui.
    — Vous en êtes sûre ? dis-je, surpris.
Aucun chasseur ne sort sans sa trompe.
    — C’est pourtant ainsi. Le roi en avait une
très jolie qu’il portait d’habitude attachée à sa ceinture, toute en or et
pierres précieuses. Elle devait valoir une fortune.
    — Et comment se fait-il qu’il ne l’avait
pas ?
    — Je n’en sais rien ! Pascal a passé
une semaine à la chercher. Il disait que lorsqu’on avait trouvé le roi par
terre criant : « La croix, la croix... », sa trompe n’était pas
là, et il ne devait déjà plus l’avoir au moment de l’attaque parce qu’il
n’avait pas appelé ses compagnons.
    — Pascal a dû la chercher partout pour la
rendre, bien sûr,

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