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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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voiture de Mahaut d’Artois ne tardera pas à sortir comme tous les jours par
une des portes latérales de la rue de la Barillerie, et que si je fais
attention je pourrais la voir passer par la tour de l’Horloge. Alors je me dis
qu’une dame de cette importance ne peut sortir de jour sans être accompagnée de
l’une de ses dames de compagnie et que la dénommée Béatrice d’Hirson doit
certainement se trouver dans le carrosse. Dès que la vieille me signale le
luxueux véhicule de la mère de la reine, je calcule la distance, la vitesse, je
m’élance, je saute et je parviens à m’accrocher à la portière du carrosse.
    — Vivedieu ! Jonas.
    — J’aimerais que vous cessiez de blasphémer
en ma présence ou je me verrai dans l’obligation de ne plus vous parler.
    — Ne sois pas si susceptible, protestai-je
d’un ton irrité en tapant du pied sur le plancher. Tu me fais parfois penser à
une demoiselle délicate. J’ai connu des novices avec un vocabulaire pire que le
mien.
    — Ceux de votre ordre peut-être qui ne sont
ni novices ni rien.
    Je sentis une envie folle de le gifler mais me
rappelai à temps qu’il venait de passer quatorze ans chez des moines
mauriciens, en bonne partie par ma faute, d’ailleurs. Son évolution était
rapide et en bonne voie, je devais me montrer patient.
    — Bon sang, tu vas finir ton histoire, oui
ou non ! criai-je en frappant du poing sur la table.
    Un autre à sa place aurait eu peur, mais pas
lui. Il s’assit tranquillement, le dos appuyé contre le mur, et me regarda avec
impudence.
    — Bien. Je prends donc mon élan, et au
moment où la voiture de Mahaut d’Artois arrive à ma hauteur, je saute. Ma
taille me fut d’une grande aide. Je passe la tête par la vitre ouverte et je
demande d’une voix douce et distinguée pour ne pas effrayer ces dames : « L’une
d’entre vous serait-elle, par hasard, Béatrice d’Hirson ? » Il y a
trois femmes à l’intérieur, mais évidemment je n’en reconnais aucune. Deux
d’entre elles se tournent vers une troisième qui demeure silencieuse avec une
expression effrayée sur le visage. J’en déduis qu’il s’agit de Béatrice, et je
lui tends votre lettre tandis que les gardes se précipitent sur moi pour me
déloger en criant, me frappant le dos et le derrière de toutes leurs forces. Je
regarde la dame, lui dédie mon plus beau sourire destiné à me faire passer pour
un jeune galant, et je laisse tomber la lettre sur ses genoux en lui disant
d’un ton plein d’ardeur : « Lisez ceci, madame, c’est pour
vous. » On me jette alors à terre et j’atterris dans une flaque de boue. (Il
soupira et regarda avec tristesse ses chausses neuves toutes sales.) Je me
relève pour échapper aux coups qui recommencent à pleuvoir sur moi et me mets à
courir comme si j’avais le diable aux trousses en direction du Pont-aux-Meu-niers
où je me perds dans la foule. Et voilà, conclut-il, fort satisfait. Que
pensez-vous de mon exploit ?
    Ma poitrine se gonfla d’un orgueil paternel.
    — Ce n’est pas mal, pas mal du tout,
murmurai-je en fronçant les sourcils. Tu aurais pu finir dans les cachots du
roi.
    — Mais je suis là, sain et sauf, et tout
s’est déroulé à merveille. Mme d’Hirson a reçu votre message ; nous
n’avons plus qu’à attendre sa réponse. J’adore Paris ! Pas vous ?
    — Quitte à choisir, je préférerais une
ville plus tranquille.
    — Oui, je comprends, dit-il innocemment, à
partir d’un certain âge, on aime davantage le calme.
     
    Pont-Sainte-Maxence était une forêt profonde et
obscure. Malgré la lumineuse matinée de printemps, nous avancions avec
l’impression désagréable de pénétrer dans un lieu rempli de dangers inconnus.
Le soleil parvenait à peine à passer entre les ramages sombres. Seuls les
oiseaux paraissaient heureux au sommet des arbres. C’était sans aucun doute le
lieu idéal pour la chasse, on entendait des brames de tous côtés, mais la forêt
faisait davantage penser à un lieu maudit hanté par les disciples du Malin qu’à
un lieu de plaisir.
    Nous n’étions pas très loin de Paris. Il
suffisait de deux heures en chevauchant à bonne allure pour parcourir
commodément les quinze lieues de distance, mais la différence entre les deux
endroits était aussi grande que celle qui sépare la terre de l’enfer. Rien
d’étonnant à ce que, après le triste accident du roi Philippe le Bel, la Cour
ait cessé de pratiquer la chasse

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