Iacobus
les cachots de la forteresse où j’ai grandi.
— Vous voulez dire que vous connaissez un
accès secret ?
— Exactement. Le sous-sol de Paris est
creusé par des centaines de tunnels et galeries qui le connectent aux anciens
réseaux d’égouts romains. Il y a trois monts sur la rive gauche du
fleuve : le Montparnasse, le Montrouge et le Montsouris. Leurs entrailles
furent trouées et exploitées comme des carrières depuis des temps antérieurs
aux Romains. De longs couloirs passant sous le fleuve parviennent jusqu’à un
autre mont, le Montmartre. Avec le temps, ils sont tombés dans l’oubli. Mais
les Templiers utilisaient ces tunnels pour y garder des objets de valeur et y
cacher une partie du trésor de la Couronne dont ils étaient responsables, ainsi
que pour célébrer certaines cérémonies privées.
— Et comment les avez-vous
découverts ?
— C’est par là que nous avons échappé aux
gardes du roi ! dit-elle d’un ton rageur. Plus tard, j’y suis retournée
avec d’autres enfants, en secret bien sûr. Ces tunnels sont bouchés pour la
plupart. Leurs parois se sont écroulées, surtout dans les galeries situées sous
le fleuve. Mais la partie qui nous intéresse, celle qui fait communiquer le
quartier juif avec la forteresse, est en bon état parce que les chevaliers ont
étayé et consolidé les voûtes. Mais il faut bien connaître les souterrains pour
s’y risquer. Autrement, on peut y entrer, bien que ce soit difficile, mais je
vous assure qu’il est impossible d’en sortir.
— Vous utilisez ces galeries pour aller
voir Evrard ?
Sara sourit sans répondre.
— Emmenez-moi, la suppliai-je,
conduisez-moi à votre ami.
— Pourquoi ?
— Pour plusieurs raisons. La première,
c’est que je suis médecin et que je peux, si ce n’est le guérir, du moins soulager
ses souffrances. La deuxième, c’est qu’Evrard me connaît, et la troisième,
qu’il est mon dernier espoir d’obtenir les preuves dont j’ai besoin pour finir
mon enquête et rentrer enfin chez moi. Je n’ai rien à vous donner en échange.
Mais si vous aimez votre ami, vous devez m’emmener auprès de lui.
Sara me regarda un long moment en silence. Je
devinais une femme à l’esprit fort, au caractère ingouvernable. Je suppose
qu’elle soupesait les conséquences de ma visite pour son cher Evrard. Elle opta
pour la prudence.
— Je ne vous promets rien, dit-elle.
Revenez demain à la même heure et je vous dirai ce qu’Evrard aura décidé.
J’irai le consulter cette nuit.
— Dites-lui qu’il y a quinze ans nous nous
sommes connus dans le château des Mendoza. Dites-le-lui, je vous prie. Il se
souviendra de moi.
— Demain, revenez demain à la même heure.
Evrard accepta l’entrevue. Le vieux Templier
était très malade, me prévint Sara, et dans un état d’abandon presque total. Je
ne devais pas me laisser impressionner par la saleté et l’odeur qui régnaient
dans son cachot, ni par les plaies purulentes d’Evrard. Pour réduire
l’inflammation des bubons, Sara avait eu recours à certains emplâtres fabriqués
à partir de cires, d’huiles, de beurre, de gommes et de sels. Très efficaces pour
ramollir certains abcès, ils s’étaient révélés complètement inutiles pour sa
maladie. Elle lui donnait aussi à boire certaines préparations somnifères pour
alléger ses douleurs avec un résultat tout aussi négatif. Evrard pourrissait
dans sa prison comme un chien galeux, et rien ne pouvait l’aider à mourir dignement.
Sara me raconta tout cela tandis qu’elle
préparait un sac contenant des torches, du phosphore, de la laine, un peu de
chaux et un poignard d’argent finement ciselé qui portait des inscriptions en
caractères hébreux que je n’eus pas le temps de lire. Elle n’avait jamais
croisé personne jusqu’à maintenant, me con-fessa-t-elle, mais il valait mieux
se montrer prudents.
Dès que Sara chargea le sac sur son épaule,
j’informai Jonas qu’il ne nous accompagnerait pas. Dans un premier temps, il
demeura muet comme s’il n’avait pas tout à fait compris ce que je lui avais
dit, puis il laissa éclater sa fureur :
— Vous allez dans une forteresse des
Templiers et vous ne m’emmenez pas ! Je ne peux pas le croire. Je vous ai
accompagné partout et vous prétendez maintenant me laisser dans cette maison
avec un choucas ensorcelé pour seule compagnie !
Il tapa du pied par terre.
— Non, non et non ! Je viens avec
vous, que
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