Iacobus
plus
savante que moi sur le sujet des poisons et n’a aucunement besoin de mes
services. Mais... vous ne semblez pas au courant des événements récents ?
dit-elle très surprise. D’où venez-vous ?
Je secouai la tête.
— Ah ! vous ne voulez pas me le dire.
Ce n’est pas grave. Je devine à votre accent que vous êtes né de l’autre côté
des Pyrénées dans un des royaumes d’Espagne, mais cela fait certainement très
longtemps que vous n’y habitez plus. Votre langue habituelle doit être,
voyons... Laissez-moi deviner, le... le latin ! Oui, le latin. Êtes-vous
un moine déguisé ? Allez, dites-le-moi, je veux savoir si j’ai bien
trouvé.
Elle poussa alors devant moi deux écus. Le jeu
m’amusa, je les pris.
— Vous avez vu juste en tout, dis-je.
— Vous êtes donc moine, dit-elle en
souriant. Mais vous ne vivez pas dans un monastère et vous n’avez rien d’un
chanoine. Vous êtes prompt à sortir l’épée, commença-t-elle à énumérer, aimez
poser des questions sur des intrigues secrètes de palais, voyagez avec un
écuyer... Vous devez appartenir à un ordre militaire. Mais lequel ?
Elle poussa encore deux écus vers moi.
— J’appartiens à l’ordre de Montesa.
— Je n’ai jamais entendu parler de cet
ordre.
— Il a été récemment créé par le roi Jaime
II d’Aragon dans le royaume de Valence.
— Hum !... Vous n’avez pas gagné ces
deux écus, monsieur, me reprocha Sara en les reprenant. Vous ne savez pas
mentir.
— À mon tour, maintenant, dis-je pour
l’empêcher de poursuivre ce petit jeu de devinettes. Connaissez-vous Béatrice
d’Hirson ? Est-elle venue vous voir pour vous demander de l’aider à
regagner l’amour de Guillaume de Nogaret ?
— Oui, dit-elle en accompagnant ses paroles
d’un hochement de tête. Elle voulait un sort qui rende la paix au garde des
Sceaux et agisse aussi comme un philtre d’amour.
— Et vous le lui avez fourni ?
— Oui.
— Avec la bougie ?
— Le sort était contenu dans la cire de la
bougie.
— Vous lui avez aussi demandé de vous
apporter les cendres de la langue d’un des frères d’Aunay.
— C’est juste. Oh ! juste une petite quantité,
trois fois rien, pour la mélanger avec la cire en proférant les sortilèges
nécessaires.
Les écus d’or commençaient à former une petite
montagne entre les mains de Sara.
— Mais la bougie contenait aussi autre
chose.
— Oui, c’est exact.
— Qu’y avait-il de plus ?
— Cristal blanc et Serpent du Pharaon.
— Mercure combustible et huile de vitriol.
— Eh ! mais vous êtes aussi expert en
alchimie !
— Pourquoi avoir ajouté ces deux
ingrédients ?
— Vous allez finir par vous ruiner si vous
continuez à me poser indéfiniment les mêmes questions. Je vous ai déjà dit que
je n’avais pas préparé le poison.
Je la regardai droit dans les yeux et compris
que pour lutter contre cette femme je n’avais plus que deux options : un,
lui faire une offre qu’elle ne pourrait refuser en échange du nom de
l’empoisonneur ; deux, agir comme si j’étais au courant des agissements
des Templiers et attendre qu’elle tombe dans le piège. Je décidai d’utiliser
les deux.
— Très bien. Je vois que l’assassin est
quelqu’un qui mérite votre confiance ou qui a payé votre silence d’un tel prix
que mes écus d’or ne sont que menue monnaie à côté. Pourtant, si vous étiez
riche, vous ne vivriez plus ici, et vous ne vous consacreriez pas à la
sorcellerie. J’élimine donc cette possibilité. Il nous reste la première :
l’assassin est une personne que vous appréciez.
— Et moi je vous répète que vous êtes un
imbécile, affirma-t-elle en appuyant ses deux mains sur le bord de la table, le
corps en avant comme pour empiéter sur mon espace vital.
Elle était si belle... Je ne pus m’empêcher
d’admirer son visage fin encadré par ses cheveux blancs malgré les cris
stupides du choucas qui répétait « Imbécile, Imbécile ! ».
— J’ai dit quelque chose d’incorrect ?
— Pour le moment, ce que vous ne m’avez pas
encore dit, c’est votre nom.
— Vous avez raison. Je suis désolé. Mon nom
est Galcerán de Born, et je suis médecin. Voici mon écuyer, Garcia, mais je
préfère l’appeler Jonas.
— Très beau symbole, fit-elle remarquer.
Je soupçonnai cette sorcière d’avoir deviné le
lien qui m’unissait à Jonas.
— Je vais vous dire quelque
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