Iacobus
s’agit-il ? s’enquit
Personne d’un ton impatient.
— Nous devons visiter la paroisse de
Murugarren. Nous ne pouvons quitter la ville sans avoir prié Notre-Dame.
Le visage du vieil homme reflétait la
contrariété.
— Je ne crois pas que cela soit réellement
nécessaire. Ce n’est qu’une église de plus parmi tant d’autres. Vous pourrez
prier la Sainte Vierge dans bien d’autres lieux.
— Je suis étonné d’entendre un sage pèlerin
comme vous dire cela.
— Eh bien, vous ne devriez pas !
répondit-il avec aigreur. Puis il reprit, adoucissant son ton : Vous m’avez
mal compris. Mon expérience me permet de vous dire qu’il ne manquera pas
d’endroits de dévotion mariale sur le chemin.
— Nous le savons, mais, contrairement à
vous, nous ne reviendrons sans doute jamais dans cette ville unique.
Personne demeura songeur.
— Laissez au moins le garçon venir avec
moi, dit-il, son avis me sera très utile pour choisir nos montures.
— Oui, s’il vous plaît, laissez-moi
l’accompagner, me supplia mon idiot de fils.
— Bien, acceptai-je à contrecoeur. Va
acheter les chevaux. Nous nous retrouverons à l’auberge dans une heure.
Pourquoi, me demandai-je alors que je reprenais
la Calle Mayor, pourquoi tout cela ? Pourquoi ai-je accepté le voyage à
cheval ? Pourquoi ai-je permis que cet homme s’immisce dans nos
vies ? Pourquoi est-ce que je me désintéresse de cette mission à laquelle
le pape et mon ordre vouent un grand intérêt ? Pourquoi repousser plus
longtemps ce qui est bon pour mon fils, son initiation progressive aux
Mystères, impossible à mener en compagnie de Personne ? Pourquoi est-ce
que je me méfie à ce point du comte Le Mans ?
L’église du Crucifié, et en cela elle ne pouvait
nier son origine templière, présentait une étrange structure à deux nefs (au
lieu d’une seule ou de trois comme c’est le plus courant) identiques en tous points.
Dans la première, une Vierge assise sur un trône avec un enfant sur ses genoux
regardait d’un air impassible devant elle. C’était l’image de Santa Maria dels
Orzs, une statue soignée et bien taillée mais sans aucun intérêt ésotérique.
Cette belle statue ne présentait aucun intérêt pour un Initié. J’eus un instant
de doute : les Templiers étaient-ils réellement passés par cette
ville ? Je me dirigeai vers la seconde nef avec un certain découragement.
L’abside était recouverte d’une toile lourde et
sombre qui éveilla aussitôt ma curiosité. Que cachait-elle ? Aucune église
ne maintiendrait sa nef vide sans raison. C’était déconcertant. Je ne voyais
aucune trace de travaux qui justifient une telle protection. Je n’hésitai plus.
Au risque d’être admonesté par un pèlerin qui serait venu prier, je soulevai
une des extrémités inférieures du tissu.
— Que faites-vous ? cria une voix
aiguë brisant le silence du temple.
— Je regarde. Je n’ai pas le droit ?
dis-je sans lâcher la toile.
— Il ne faut pas.
— Ce n’est pas interdit, répliquai-je
tandis que j’examinais rapidement ce qui se trouvait sous la toile.
— Lâchez ça tout de suite ou j’appelle le
garde !
Ce que je voyais était incroyable… J’essayai
d’en graver tous les détails dans mon esprit.
— Et qui êtes-vous donc pour oser lever la
voix dans ce lieu ? demandai-je bêtement pour distraire l’attention de mon
interlocuteur qui s’approchait rapidement de moi.
— Je suis un paroissien chargé de sa
surveillance ! s’exclama la voix une seconde plus tard tout près de mon
oreille tandis qu’une main maigre et ridée aplatissait la toile contre le mur,
mettant fin à mon inspection. Et vous qui êtes-vous ?
— Un pèlerin, un simple pèlerin, dis-je en
feignant une grande émotion. Je n’ai pu résister à la curiosité. Dites-moi, qui
est l’auteur de ces magnifiques tableaux ?
— Le maître allemand Jehan Oliver,
m’expliqua le vieil homme. Mais comme vous le voyez, ils ne sont pas finis.
C’est pour cette raison qu’on ne doit pas les montrer.
— Ils sont extraordinaires !
— Oui, mais ils seront probablement
remplacés par un vrai crucifix semblable à celui que le peintre a exécuté sur
le mur.
— Et pour quelle raison ? demandai-je.
— Je n’en sais rien !
— Vous êtes bien peu aimable.
— Et vous bien peu respectueux de ce lieu
sacré ! Allez, dehors ! Vous m’avez entendu ? Je vous ai
dit : dehors !
Je
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