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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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comme moines dans les monastères, soit comme
chevaliers, sans office ni bénéfice, vivant des maravédis que leur versait mon
ordre ou bien plus communément de leurs revenus, puisque la disparition de leur
ordre les avait libérés de tous voeux religieux. Il était donc logique que
Manrique, en récupérant son ancienne condition séculière, ait contracté
mariage. Mais cela ne laissait pas d’être surprenant ; d’autant plus que
j’étais bien certain que tous ces anciens Templiers, devenus les gardiens,
défenseurs et dépositaires de propriétés, de trésors et de secrets,
continuaient à être fidèles à leur Règle. D’un autre côté, je comprenais mieux
maintenant la décision d’Isabel de ne pas reconnaître son fils et de quelles
« questions d’héritage » elle avait voulu parler. Manrique, qui avait
dorénavant un héritier légitime, n’accepterait pas volontiers que sa soeur
introduise un bâtard dans la famille.
    — Je suis désolé, Sara, je suis vraiment
désolé pour vous, mentis-je. En réalité, j’étais enchanté d’apprendre cette
nouvelle.
    — Même si son mariage n’est qu’un mariage
de convenance, dit-elle, je ne m’abaisserai pas à renouer avec lui. Je refuse
l’idée de partager l’homme que j’aime et de le voir sauter d’un lit à l’autre.
Celle qui est prête à supporter cela, grand bien lui fasse, moi je ne peux
pas !
    — Peut-être vous aime-t-il toujours ?
lui fis-je remarquer, désireux de voir jusqu’où allaient ses sentiments et si
elle était vraiment bien résolue à ne pas retourner avec lui. Vous savez bien
que ce n’est pas l’amour qui décide des mariages.
    — Eh bien, je le regrette beaucoup mais
pour moi trois dans un couple, c’est un de trop ! J’ai fait tout ce chemin
pour le revoir, et cela m’aurait bien été égal qu’il soit frère, moine ou même
pape. Mais avec une autre... Ah ! ça, non, jamais.
    — Vous voilà donc bien respectueuse des
sacrements du mariage, dis-je pour la taquiner, ravi de la voir si furieuse
contre Manrique.
    — La seule chose que je respecte, c’est ma
fierté. Je refuse de me contenter de la moitié de ce que j’étais venue
chercher. Je vaux mieux que cela.
    — Je disais ça au cas où il continuerait à
vous aimer, mais il est peut-être réellement épris de son épouse.
    — Peut-être, murmura-t-elle en baissant les
yeux.
    — Et que comptez-vous faire
maintenant ? Vous ne pouvez pas retourner en France. Don Samuel pourrait
vous aider à acheter à bon prix une maison dans ce quartier.
    — Je ne veux pas rester à Burgos !
s’exclama-t-elle avec rage. C’est hors de question ! Je ne veux plus
jamais revoir Manrique de Mendoza, même par hasard.
    — Alors ?
    — Laissez-moi vous accompagner, Jonas et
vous, jusqu’à ce que je trouve un endroit où m’installer, m’implora-t-elle. Je
vous promets de ne poser aucune question. Je ne me mêlerai pas de vos affaires.
Vous avez bien vu que, malgré les événements de San Juan de Ortega, j’ai su me
montrer discrète. Je serai aveugle, sourde et muette si vous me laissez venir
avec vous.
    — Je crains que cela ne soit pas possible,
murmurai-je d’un ton peiné.
    — Mais pourquoi ? s’inquiéta-t-elle.
    — Parce que voyager avec une femme aveugle,
sourde et muette serait un enfer : vous trébucheriez et tomberiez sans
cesse, lui dis-je en éclatant de rire.
    J’avais réussi pour la première fois à avoir le
dernier mot !
     
    Le jour suivant, nous quittions Burgos de très
bonne heure en direction de Léon. Comme nous marchions d’un bon pas, la
bourgade de Tardajos apparut bientôt. Bien qu’à peine un mille la sépare du
village voisin, Rabé, nous eûmes du mal à traverser les marécages, vérifiant le
célèbre dicton :
     
    De Rabé a Tardejos
    no te faltarán trabajos.
    De Tardajos a Rabé
    liberanos, Domine [23]  !
     
    Mais en parlant de peines, j’en avais déjà bien
assez avec mes compagnons. Jonas ne parlait pas, ne me regardait pas et
semblait absent. Quant à Sara, le visage sombre, elle paraissait absorbée dans
de noires réflexions. J’étais soulagé de constater qu’aucune peine, douleur ou
tristesse n’assombrissait son regard. C’était plutôt de la rage contenue, de
l’indignation. Et moi, soulagé du poids d’une ombre qui avait pesé sur moi
pendant des années, cela me paraissait merveilleux. Je me sentais bien,
content, satisfait tandis que j’avançais vers un

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