Imperium
début du mois d’août.
Nous ne pouvons donc compter pouvoir passer devant le tribunal avant le 5 août.
Mais alors, vers la mi-août, ce sera le début des jeux de Pompée – et
ils sont censés durer au moins quinze jours. Et enfin, il y aura bien sûr les
jeux de Rome et les jeux de la Plèbe…
— Par pitié, s’exclama Cicéron en examinant le schéma,
personne ne fait donc jamais rien dans cette fichue ville, à part regarder des
hommes et des animaux s’entre-tuer ?
Son optimisme, qui l’avait soutenu pendant tout le trajet
depuis Syracuse, semblait soudain l’abandonner comme l’air s’échappe d’une
vessie. Il s’était préparé à un combat, mais Hortensius connaissait trop bien
son affaire pour l’affronter directement en audience publique. L’entrave et l’usure,
telles étaient ses tactiques, et il semblait avoir tous les atouts de son côté.
Chacun savait que Cicéron possédait des ressources limitées. Plus il devrait
attendre pour que son affaire soit portée devant le tribunal, plus cela lui
coûterait d’argent. Nos premiers témoins allaient arriver d’un jour à l’autre
de Sicile. Ils attendraient d’être défrayés des dépenses du voyage, de leur
séjour et du manque à gagner qu’engendrerait leur absence. Pour couronner le
tout, Cicéron allait devoir financer sa campagne pour l’élection à l’édilité.
Et, en supposant qu’il l’emporte, il devrait alors trouver l’argent pour rester
en place pendant un an, restaurer des édifices publics et organiser deux séries
de jeux officiels. Il ne pourrait se permettre d’esquiver ces obligations :
les électeurs ne pardonnaient pas la mesquinerie.
Il ne restait donc plus qu’à endurer une nouvelle séance
orageuse avec Terentia. Ils dînèrent en tête à tête le soir de notre retour de
Syracuse, et je fus appelé plus tard dans la soirée par Cicéron, qui me demanda
de lui apporter les brouillons des passages de son discours d’ouverture.
Lorsque j’entrai, Terentia était allongée, très raide, sur sa banquette, et
tripotait sa nourriture avec irritation ; Cicéron n’avait visiblement pas
touché à son assiette. Je fus content de lui remettre le coffret à documents et
de m’éclipser. Le discours était déjà très développé et il aurait fallu au
moins deux jours pour le prononcer. Plus tard, je l’entendis arpenter la pièce,
déclamant certains passages, et je compris qu’elle le faisait répéter avant de
décider si elle devait ou non lui avancer l’argent. Ce qu’elle entendit dut lui
plaire puisque, le lendemain matin, Philotimus prit des dispositions pour que
nous puissions bénéficier d’un nouveau crédit allant jusqu’à cinquante mille
sesterces. Mais c’était humiliant pour Cicéron et, selon moi, cette époque
marque indubitablement le début de sa préoccupation toujours croissante à
propos de l’argent, sujet qui ne l’avait jamais intéressé le moins du monde
auparavant.
J’ai le sentiment que je m’attarde un peu trop dans mon
récit, vu que j’en suis déjà à mon huitième rouleau de Hieratica, et qu’il
faudrait que j’accélère si je ne veux pas mourir à la tâche ou vous épuiser en
lecture. Permettez-moi donc de traiter les quatre mois suivants très
rapidement. Cicéron fut contraint de travailler avec encore plus d’ardeur. Le
matin, il commençait par s’occuper de ses clients (et, bien sûr, il y avait
énormément d’affaires en retard qui s’étaient accumulées pendant son voyage en
Sicile). Puis il se rendait au tribunal, ou au Sénat, selon les sessions. Au
Sénat, il gardait profil bas et prenait grand soin de ne pas parler à Pompée le
Grand, de crainte que celui-ci ne lui demande d’abandonner les poursuites
contre Verres et de renoncer à sa candidature à l’édilité, ou – pis
encore – ne lui propose son aide, ce qui le rendrait redevable de l’homme
le plus puissant de Rome, situation qu’il était bien décidé à éviter. Il devait
attendre que les tribunaux et le Sénat soient fermés pendant les vacances ou
les jours fériés pour se consacrer à l’affaire Verres, trier et assimiler les
preuves, préparer les témoins. Nous fîmes venir une centaine de Siciliens à
Rome et, comme c’était pour la plupart leur premier séjour dans la cité, ils
avaient besoin qu’on les prenne par la main. C’est à moi qu’incomba cette tâche
et je devins une sorte d’accompagnateur polyvalent, chargé de les guider
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